Avant
tout, s’il se présente à ta porte un quelconque bien-disant au
sourire bon-enfant, ou bien un médisant aux longs discours
charmants, ou même un grand savant aux accents très tranchants,
regarde-le attentivement : tu reconnaîtras bien vite en lui le
marchand d’orviétan.
N’écoute
pas ce que l’on dit du silence, mais le silence.
Souviens-toi
que tu ne sais pas ce que tu es, sinon par ouï-dire.
Souviens-toi
que tu ne sais pas d’où tu viens, sinon par ouï-dire.
Souviens-toi
que tu ne sais pas où tu vas, sinon par ouï-dire.
Souviens-toi
que tu ne sais pas comment on s’y rend, sinon par ouï-dire.
Ne
crois pas ce que l’on sait du silence, mais le silence.
N’aie pas de nom pour ce qui vient ; ne l’appelle ni lui, ni elle,
ni rien.
N’aie pas de nom pour ce que tu fais : méditation ou prière, que
t’importe, en fait ?
N’aie pas de nom pour ce qui arrive, présence divine, saveur de l’autre
rive.
N’écoute
pas ce que tu crois du silence, mais le silence.
Surtout,
s’il ne se passe rien, persévère et ne fais rien. L’absence est
un bon signe, tout comme la présence. Les mauvais signes sont la
routine qui t’ensable, les mots qui te viennent et t’accablent,
les raisonnements que tu crois être stables. Abandonne donc la
barque des mots pour plonger dans les flots et nager un peu au
hasard : le silence viendra, tôt ou tard.
Post-scriptum :
Dans le désespoir, dis le nom du guide de ton cœur, de celui qui
peut te protéger des peurs. Si tu ne le connais pas, c’est sans
doute que tu n’es pas aussi bas que tu le crois.
Voyages autour de mon lit (table des matières)