samedi 3 novembre 2012

Le fruit de l'arbre


Le fruit de l'arbre



Le souffle un peu court, il posa un baiser au creux de son épaule et elle rit doucement, d'une joie pure et vraie. Les premiers éclats le firent se cabrer, puis il se détendit pour se joindre à elle. Leurs corps s'imbriquaient dans le creux au centre du lit, enlacés dans les derniers lambeaux de l'incroyable fusion qui venait de les anéantir pour mieux les recréer, toujours semblables et à jamais changés. D'une lente caresse, il sépara les longues mèches de ses cheveux jusqu'à ce qu'il put distinguer les traits de son visage. Il les scruta longuement, comme pour s'imprégner de ce qu'il contemplait; elle se redressa sur un coude et déposa un baiser sur chacune de ses paupières. Il bascula sur le côté et se coucha de tout son long.

    - Je... Tu sais, c'était bien mieux qu'avec maman. Tu baises tellement mieux qu'elle!
    - Oui, je sais. Papa me l'a souvent dit.

Son ton était glacé. Il se tourna vers elle.

    - Non, ce n'était pas ce que je voulais dire!
    - Que voulais-tu dire, dans ce cas? repartit-elle d'une voix toujours plus froide.
    - Que... enfin, que c'était formidable! Jamais je n'aurais cru cela possible. Écoute, si je t'ai froissée, je te prie de m'en excuser. J'ai parlé sans réfléchir.
    - Sans réfléchir, tu dis? Elle est ma mère, à moi aussi! Et, si tu veux tout savoir, elle « baise » mieux que vous deux réunis.

Il se tut durant un moment. Ensuite il fit mine de se lever puis se recoucha, se tournant à nouveau vers sa sœur. Après un long silence, elle lui donna une petite tape sur la joue.

    - Allez, excuses acceptées...
    - Vraiment? Tu me pardonnes?
    - Mais oui, idiot, dit-elle avant d'embrasser son frère. Tu es bien comme ton père.
    - Comme lui, vraiment? Je veux dire, c'était aussi bien qu'avec lui? C'était... exactement pareil, ou un peu différent?

Sa voix tremblait comme il disait cela. Il se pelotonna contre elle et la serra dans ses bras. Elle ne disait rien. Il enserra dans sa main la courbure de son sein.

    - Différent, en fait; parfois tu es comme lui, et l'instant d'après tu es comme maman. C'est à la fois curieux et agréable.

Elle sentit sa main se mettre à trembler et la couvrit de la sienne, la caressant tout doucement.

    - Comme maman?!

Elle rit à nouveau.

    - Oh oui, absolument comme elle. Et c'est merveilleux, si doux, si tendre! Et puis l'instant d'après, tu es comme lui. C'est bien aussi, mais différent.
    - Comment ça, comme lui?
    - Enfin, tu sais bien?
    - Non. Non, je ne sais pas, dit-il en la prenant dans ses bras.
    - Quoi? Tu veux dire que tu n'as jamais fait l'amour avec papa?

Cette fois, elle éclata vraiment de rire. Il s'éloigna d'elle, de ce corps secoué par des vagues d'une hilarité qu'on aurait crue inextinguible. Tout son être se contractait. Il se sentait si bête. Peu à peu, elle retrouva son calme et se pressa contre son frère.

    - Allons, du calme, grand nigaud! Comment aurais-je pu imaginer cela? Allons, viens là, contre moi... Oui, comme cela... Là, calme-toi... Tu sais, il n'est jamais trop tard.

Ce fut elle qui le guida d'une main ferme jusqu'à la porte de la chambre de leurs parents, elle qui la gratta doucement avant de la pousser.

Plus tard, alors qu'elle venait de se lever pour aller au toilettes et remontait le couloir sans un bruit, elle entendit derrière la porte un « oh » aussi stupéfait qu'émerveillé. Elle s'arrêta, ferma les yeux et plaqua son corps contre le mur. Enfin, elle reprit sa marche.

Elle ne le revit que le lendemain matin, dans la cuisine où régnait une douce odeur de café mêlée à celle de pain grillé. Sur la table était posé un plateau sur lequel se trouvaient deux tasses, des tranches de pain dorées, noires par endroits, une coupelle contenant du beurre et un pot de confiture. Lui-même était devant la cuisinière, surveillant le contenu d'une casserole. Il portait l'une des nuisettes de sa mère, un court vêtement de soie couleur pêche dont le tissu satiné moulait ses fesses tendres et fermes à la fois, dessinant dans un jeu de lumières et d'ombres les creux de celles-ci.

Entendant sa sœur entrer, il se retourna brusquement et se mit à rougir. Sa main tremblante alla chercher l'extrémité de la nuisette et se mit à la serrer convulsivement tout en lui imprimant un balancement. Le bruit émis par le lait en train de bouillir lui permit d'échapper à ce regard qui le tétanisait. Tandis qu'il retirait la casserole du feu, elle posa deux tasses sur un autre plateau et s'affaira en silence. Il ne savait que faire. Enfin, elle vint vers lui, la cruche de la cafetière à la main.

    - Tu ferais bien de te dépêcher. Tu sais qu'il l'aime très chaud.

Il restait là, immobile, sa main à nouveau prisonnière de ce geste de petite fille. Il prit soudain la cruche, emplit l'une des tasses entièrement et l'autre à moitié. Tandis qu'il se tournait vers la cuisinière pour prendre la casserole, elle saisit son bras, amena son frère face à elle et posa un baiser sonore sur sa joue rouge de honte.

    - Elle te va très bien, tu sais. Tu devrais en porter plus souvent.

Tout en disant cela, elle tendait la main et rajustait l'une des bretelles de la nuisette de son frère; elle l'agita pour en répartir les plis. Le corps de celui-ci se détendit dans l'instant.

    - Tu trouves? demanda-t-il en achevant sa tâche. Je... je croyais, justement...
    - Mais si, gros bêta! tu es superbe! s'exclama-t-elle en lui tapotant les fesses.

Sourire aux lèvres, il prit son plateau et s'éclipsa.


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