Le fruit de l'arbre
Le souffle un peu court, il posa
un baiser au creux de son épaule et elle rit doucement, d'une joie
pure et vraie. Les premiers éclats le firent se cabrer, puis il se
détendit pour se joindre à elle. Leurs corps s'imbriquaient dans le
creux au centre du lit, enlacés dans les derniers lambeaux de
l'incroyable fusion qui venait de les anéantir pour mieux les
recréer, toujours semblables et à jamais changés. D'une lente
caresse, il sépara les longues mèches de ses cheveux jusqu'à ce
qu'il put distinguer les traits de son visage. Il les scruta
longuement, comme pour s'imprégner de ce qu'il contemplait; elle se
redressa sur un coude et déposa un baiser sur chacune de ses
paupières. Il bascula sur le côté et se coucha de tout son long.
- Je... Tu sais,
c'était bien mieux qu'avec maman. Tu baises tellement mieux
qu'elle!
- Oui, je sais. Papa me
l'a souvent dit.
Son ton était glacé. Il se
tourna vers elle.
- Non, ce n'était pas
ce que je voulais dire!
- Que voulais-tu dire,
dans ce cas? repartit-elle d'une voix toujours plus froide.
- Que... enfin, que
c'était formidable! Jamais je n'aurais cru cela possible. Écoute,
si je t'ai froissée, je te prie de m'en excuser. J'ai parlé sans
réfléchir.
- Sans réfléchir, tu
dis? Elle est ma mère, à moi aussi! Et, si tu veux tout savoir,
elle « baise » mieux que vous deux réunis.
Il se tut durant un moment.
Ensuite il fit mine de se lever puis se recoucha, se tournant à
nouveau vers sa sœur. Après un long silence, elle lui donna une
petite tape sur la joue.
- Allez, excuses
acceptées...
- Vraiment? Tu me
pardonnes?
- Mais oui, idiot,
dit-elle avant d'embrasser son frère. Tu es bien comme ton père.
- Comme lui, vraiment?
Je veux dire, c'était aussi bien qu'avec lui? C'était...
exactement pareil, ou un peu différent?
Sa voix tremblait comme il
disait cela. Il se pelotonna contre elle et la serra dans ses bras.
Elle ne disait rien. Il enserra dans sa main la courbure de son sein.
- Différent, en fait;
parfois tu es comme lui, et l'instant d'après tu es comme maman.
C'est à la fois curieux et agréable.
Elle sentit sa main se mettre à
trembler et la couvrit de la sienne, la caressant tout doucement.
- Comme maman?!
Elle rit à nouveau.
- Oh oui, absolument
comme elle. Et c'est merveilleux, si doux, si tendre! Et puis
l'instant d'après, tu es comme lui. C'est bien aussi, mais
différent.
- Comment ça, comme
lui?
- Enfin, tu sais bien?
- Non. Non, je ne sais
pas, dit-il en la prenant dans ses bras.
- Quoi? Tu veux dire
que tu n'as jamais fait l'amour avec papa?
Cette fois, elle éclata
vraiment de rire. Il s'éloigna d'elle, de ce corps secoué par des
vagues d'une hilarité qu'on aurait crue inextinguible. Tout son être
se contractait. Il se sentait si bête. Peu à peu, elle retrouva son
calme et se pressa contre son frère.
- Allons, du calme,
grand nigaud! Comment aurais-je pu imaginer cela? Allons, viens là,
contre moi... Oui, comme cela... Là, calme-toi... Tu sais, il n'est
jamais trop tard.
Ce fut elle qui le guida d'une
main ferme jusqu'à la porte de la chambre de leurs parents, elle qui
la gratta doucement avant de la pousser.
Plus tard, alors qu'elle venait
de se lever pour aller au toilettes et remontait le couloir sans un
bruit, elle entendit derrière la porte un « oh » aussi
stupéfait qu'émerveillé. Elle s'arrêta, ferma les yeux et plaqua
son corps contre le mur. Enfin, elle reprit sa marche.
Elle ne le revit que le
lendemain matin, dans la cuisine où régnait une douce odeur de café
mêlée à celle de pain grillé. Sur la table était posé un
plateau sur lequel se trouvaient deux tasses, des tranches de pain
dorées, noires par endroits, une coupelle contenant du beurre et un
pot de confiture. Lui-même était devant la cuisinière, surveillant
le contenu d'une casserole. Il portait l'une des nuisettes de sa
mère, un court vêtement de soie couleur pêche dont le tissu satiné
moulait ses fesses tendres et fermes à la fois, dessinant dans un
jeu de lumières et d'ombres les creux de celles-ci.
Entendant sa sœur entrer, il se
retourna brusquement et se mit à rougir. Sa main tremblante alla
chercher l'extrémité de la nuisette et se mit à la serrer
convulsivement tout en lui imprimant un balancement. Le bruit émis
par le lait en train de bouillir lui permit d'échapper à ce regard
qui le tétanisait. Tandis qu'il retirait la casserole du feu, elle
posa deux tasses sur un autre plateau et s'affaira en silence. Il ne
savait que faire. Enfin, elle vint vers lui, la cruche de la
cafetière à la main.
- Tu ferais bien de te
dépêcher. Tu sais qu'il l'aime très chaud.
Il restait là, immobile, sa
main à nouveau prisonnière de ce geste de petite fille. Il prit
soudain la cruche, emplit l'une des tasses entièrement et l'autre à
moitié. Tandis qu'il se tournait vers la cuisinière pour prendre la
casserole, elle saisit son bras, amena son frère face à elle et
posa un baiser sonore sur sa joue rouge de honte.
- Elle te va très
bien, tu sais. Tu devrais en porter plus souvent.
Tout en disant cela, elle
tendait la main et rajustait l'une des bretelles de la nuisette de
son frère; elle l'agita pour en répartir les plis. Le corps de
celui-ci se détendit dans l'instant.
- Tu trouves?
demanda-t-il en achevant sa tâche. Je... je croyais, justement...
- Mais si, gros bêta!
tu es superbe! s'exclama-t-elle en lui tapotant les fesses.
Sourire aux lèvres, il prit son
plateau et s'éclipsa.
Beeeeuuurk !!
RépondreSupprimerFlorent