mardi 31 octobre 2023

Qu'as-tu fait de toi ?

 

Prière nationale après la défaite. Du maître de chant. Sur « Un lys est le précepte ». A mi-voix. De David. Pour apprendre …

Introduction du Psaume 60 – Bible de Jérusalem – CERF – 2000



Un lys est le précepte, et aussi la leçon
Car de lys, il n'est point qui soit des plus gaillards
Après avoir plié sous les pieds des pillards
Mais il subsiste encore en tous ses enfançons.

Ployant sous la poussière, il est resté sans tache ;
Lorsque s'en viendra Dieu, il pourra sans rougir
Demander la justice au premier des martyrs :
Survivre n'est parfois qu'un courage de lâche.

Mais toi, à ces pillards, tu leur ouvres ta tente
Et tu t'offres à eux en remuant tes fesses,
Et tu gémis de joie sous la puante presse,
Appelant de tes vœux des foules plus violentes.

Tu arpentes les rues en vantant tes talents,
Tu te vois en putain écarlate et cruelle
Quand tu n'es qu'une gouape avide et sensuelle
Dont se rient les clients tout en se rajustant.

jeudi 19 octobre 2023

323, Avenue du Ciel


Lorsque j’étais enfant, j’accompagnais ma mère
Quand elle allait prier pour le salut de gens
Qui ne voyaient en nous que de pieux indigents,
Mais le monde éloignait l’Église et ses mystères.

En regardant, là-haut, scintiller les étoiles,
En voyant naître à l’est l’astre resplendissant,
Une idée traversa mon être adolescent :
Le monde est une femme et elle porte un voile.

Sous le voile une humaine, et me voilà adulte
A chercher dans mon souffle un guide bien plus sûr
Qui saurait m’éviter quand le fruit serait mûr
Un retour en ces lieux abrutis de tumulte ;

Et puis l’écroulement dans l’abysse du soir,
Et puis la grande nuit où ne naît pas d’étoile,
Et le froid de l’abîme habitant votre moelle
Et votre esprit meurtri réfugié dans le noir…

Et alors la clarté dans votre sécheresse
Qui devient un sanglot devant la main tendue
Qu’un nom a appelé dans votre âme éperdue :
Peu à peu se défait le lien qui vous oppresse.


Alors que je quittais les ombres de la fosse,
Un serviteur me dit : « -Allez ! Viens à la noce !
-Je n’ai pas de costume à mettre sur ma peau ;
Je ne peux y aller tout couvert d’oripeaux.
-J’en ai vus dans le coin, parmi les tas d’ordures :
Trouve-t-en donc vite un, tu auras fière allure !
Les premiers invités les ont abandonnés
Pour aller partouzer ou bien biberonner…
Le maître qui m’envoie n’est pas des plus commodes ;
Prends une décision, ma patience s’érode.
-Désolé, mon ami, mais vous m’avez surpris.
Je suis habitué à bien plus de mépris.
Vous trouverez des gens dans toutes ces ruelles :
Les agents de l’état s’en servent de poubelles.
Pour moi, je vais chercher un habit de soirée
Dans la fange des rues des quartiers plus huppés. »
Et nous voilà partis, chacun vers sa mission :
Pour lui le ramassage et pour moi les chiffons.


Comme il me l’avait dit, je découvris bientôt
De grands lieux de débauche où les corps s’empilaient
Et au pied de ces gens qui sans fin copulaient,
Je pris des vêtements que je passais tantôt.

Quand je retrouvais l’ange, il menait une foule
D’hères tout bigarrés ravis de l’occasion ;
Ils s’égaillèrent près des jouisseurs en fusion,
Choisissant leurs habits sous la vivante houle.

Nous fûmes réunis, qui en frac qui en robe,
Sur un îlot rocheux que l’ange avait taillé
Dans un pic montagneux que rien n’avait souillé
Puis sous son impulsion nous quittâmes ce globe.

Il s’exclama alors dans le plus grand silence :
« Venez tous au festin où vous êtes conviés !
Vous êtes invités par le jeune marié ;
Réglez-vous sur son pas lorsque viendra la danse. »

Il conclut son discours par un geste d’invite.
Munis de cet avis, nous quittâmes l’îlot
Pour un vaste jardin encadré par les flots
Puis je sentis en moi une intuition subite.

J’allais à une dame évadée d’un asile
Où l’avait enfermée un monde corrompu
Et je pris dans ma main sa pauvre main tendue ;
Un sourire trembla sur ses lèvres graciles :

« -Tu arrives bien tard, mon cher et tendre époux.
As-tu donc bamboché tout le long de la route
Alors que j’attendais, pétrifiée par le doute ?
T’es-tu ligué à ceux qui voient en moi un pou ?

-Ils ne me voyaient pas, ô vous mon espérance,
Ou bien ils me frappaient de leurs poings, de leurs mots
Et puis ils ajoutaient à chacun de mes maux
Le poids de leur pitié qui moquait mes souffrances.

-Peu importe après tout, je suis là avec toi.
Devons-nous au hasard d’y arriver ensemble ?
-Bien plutôt au Seigneur, ou du moins il me semble :
Puisque nous sommes un, toi sans moi n’est pas toi.

-C’est bien ce que je sens, mais je voulais l’entendre.
-Je n’ai su qu’en parlant que cela était vrai.
-Allons-nous découvrir ce lieu et ses attraits ?
-Il est déjà parfait dans ton étreinte tendre. »

Bras dessus, bras dessous, nous suivîmes les autres
Pour former avec eux au milieu des taillis
Comme un grand arc-en-ciel et une longue nuit
Où nous nous exclamions : « Ce moment est le nôtre ! »

Chacun avait trouvé sa moitié égarée
Dedans le vaste monde et ses fausses promesses
Et tous s’acheminaient au milieu de la liesse
Dans la sérénité d’un être réparé.

Nous venions au lever d’un tout nouveau soleil
Et cherchions le marié, Seigneur de ces merveilles,
Enfant de la pitié, Esprit qui sur nous veille :
Il brillerait bientôt d’un éclat sans pareil.

Lorsqu’il nous trouverait,
Nous voulions être prêts,
Nous enfants de la fange
Amenés par un ange
A suivre le Sauveur
De la croix au bonheur.

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