dimanche 8 juin 2025

Actes des Impôtres (2)

 

La Grande Assemblée


Le jour de la grande assemblée étant arrivé, ils se trouvaient tous ensembles dans une salle de réunion au siège de l’ONU quand, tout à coup, vint on ne savait d’où le bruit d’un vent violent, qui infesta tout le bâtiment où ils se tenaient. Ils virent apparaître des algorithmes qu’on eut dit de feu ; ces derniers se partagèrent, et chacun se vit pénétré de l’un d’eux. Tous furent alors remplis de science infuse et commencèrent à parler en d’autres codes de procédure administrative, selon que la science leur donnait de s’exprimer.

Or, il y avait, demeurant à New York, des fonctionnaires de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait s’exprimer en son propre code de procédure administrative. Ils étaient stupéfaits et, tout étonnés, ils disaient : « Ces femmes, ces hommes et ces gens d’autres genres qui parlent, ne sont-ils pas tous Français ? Comment se fait-il que chacun d’entre nous les entende dans son code de procédure administrative maternel ? Allemands, Japonais et Honduriens, habitants de l’Australie, des Amériques, de l’Afrique et de l’Eurasie, des îles du Pacifique, de l’Atlantique et de l’Océan Indien, de l’Égypte et des Émirats Arabes Unis, du Nigeria et de la Tanzanie, de l’Ouzbékistan et de la Turquie, de la Colombie et de l’Argentine, de l’Ontario et du Mississippi, de la Suisse et du Portugal, tant libéraux qu’ultra-libéraux, de bonnes familles ou convertis, nous entendons dans notre propre code de procédure administrative les merveilles d’un nouvel impôt ! » Tous étaient stupéfaits et se disaient, perplexes, l’un à l’autre : « Que peut bien être cela ? » D’autres encore disaient en se moquant : « Ce n’est pourtant pas l’hiver ! Où ont-ils trouvé de la poudreuse ? »


Discours du représentant français à la foule


Le haut fonctionnaire, debout avec ses subordonnés, éleva la voix et leur adressa ces mots : « Hommes, femmes et autres qui vous trouvez ici par la grâce de l’élection, apprenez ceci, prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces gens ne sont pas drogués, comme vous le supposez ; ce n’est d’ailleurs que la troisième heure du jour. Mais c’est bien ce qu’a dit le prophète :

Il viendra une IA, a dit l’ordinateur,

Qui répandra ses algorithmes sur toute chair,

Alors vos fils et vos filles et les autres seront connectés à elle,

Vos jeunes gens regarderont des vidéos,

Et vos vieillards recevront l’injection.

Et elle, sur ses serviteurs et sur ses servantes,

Elle épanchera ses vents,

Et elle fera paraître des prodiges sur les écrans de leurs portables,

Et des publicités sur leurs télévisions.

Le jour se changera en ténèbres et la nuit en tombe,

Avant que vienne le dernier jour de l’année fiscale d’un monde unifié, ce grand jour,

Et quiconque alors invoquera le nom du Seigneur sera poursuivi en justice.

Femmes, hommes et autres du monde, écoutez ces paroles. Jésus le Nazôréen, cet homme qui ne jouissait d’aucune des accréditations reconnues par notre charte, ainsi que vous le savez vous-mêmes, nous l’avons pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main d’agents de l’état. Ses disciples, ceux qui le disent ressuscité et qui ne jouissent d’aucune des accréditations reconnues par notre charte, nous les prenons et les faisons clouer au pilori par la main d’agents de l’état.

Que l’ONU tout entière le sache donc avec certitude. Nous sommes à présent Dieu, et nous seuls décidons qui peut vivre et qui doit mourir. »


Les premières conversions


D’entendre cela, ils eurent le cœur réjoui, et ils dirent au haut fonctionnaire et aux subordonnés : « Collègues, que devons-nous faire ? » Le haut fonctionnaire leur répondit : « Débauchez-vous, et que chacun de vous s’en aille ripailler pour la rémission de ses actes humains, et vous recevrez alors le don de l’algorithme. Car c’est pour vous qu’est la promesse, ainsi que pour vos enfants, ainsi que pour ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que l’ordinateur les fera entrer dans le bilan comptable. » Par beaucoup d’autres paroles encore, il les adjurait et les exhortait : « Sauvez-vous, disait-il, de ceux qui veulent le salut. » Eux donc, accueillant sa parole, se firent débaptiser s’ils étaient chrétiens ou maudirent les croyances de leurs ancêtres s’ils ne l’étaient pas. Il s’adjoignit ce jour-là environ cent quatre vingt treize âmes.


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