231, Avenue du Ciel
De l'aube de l'Eden jusqu'à
son crépuscule
S'étire une autoroute où
tous les véhicules
Klaxonnant de concert s'en
vont jusqu'au péage
Pour y payer le droit
d'achever leur voyage.
De l'aube de l'Eden jusqu'à
son crépuscule
Serpente une rivière
envahie de touristes ;
Quittant leurs vêtements,
ils fuient la canicule
Et descendent les flots,
mués en kayakistes.
De l'aube de l'Eden jusqu'à
son crépuscule
On a tendu un fil au dessus
de l'abîme ;
Des touristes joyeux y
jouent au funambule
Et tombent en riant, roulant
de cime en cime.
De l'aube de l'Eden jusqu'à
son crépuscule
Va un petit chemin où les
joggers s'élancent,
Courant après leur vie
entre les hiérodules
Qui pour les saluer
sanglotent en silence.
Parfois quelqu'un s'arrête
et les anges frémissent :
Ils scrutent les passants,
recherchent les prémices
D'un début de question en
ceux qui déambulent
De l'aube de l'Eden jusqu'à
son crépuscule.
Le touriste à l'arrêt, par
peur du ridicule,
S'en va dans un sursaut ;
tandis qu'il accélère
Les hiérodules las
repartent vers leur aire
Dans l'aube de l'Eden et
dans son crépuscule.
231 bis, Avenue du
Ciel
Tel
un prince endormi menacé d'une fronde,
Un
touriste parfois quitte son hébétude
Et
secoue sa torpeur pour tenter d'en sortir.
Tout
son être avili par la lèpre du monde
Se
tord pour échapper à la douce quiétude
Du
songe merveilleux qui vient pour l'engloutir.
Il
palpe sa personne et gémit dans la nuit
Quand
son corps couturé de mille cicatrices
En
quête de plaisir rencontre la douleur.
Les
loisirs inventés pour tromper son ennui,
Les
appétits sans frein qui faisaient ses délices,
Sans
le fouet du désir ont la saveur des pleurs.
Rongé
par la santé, tout son monde bascule :
La
maladie perdue a enfin dénudé
La
souffrance cachée sous un cuir de goret.
De
l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule,
Il
cherche le chemin qu'il avait éludé ;
Tournant le dos au monde, il
va vers la forêt.
231 ter, Avenue du
Ciel
Les
touristes pressés parcourent tous les lieux ;
Ils
roulent en vélo, rollers ou trottinette,
Ne
s'arrêtant jamais que pour quelque bluette
Bien
vite interrompue par un temps trop précieux.
De
ce qui n'est pas eux, ils se font oublieux,
Jouant
à la marchande ou bien à la dînette,
Ou
bien se chamaillant pour plumer l'alouette ;
Quand
tout est consommé, ils vont sous d'autres cieux.
Tu
vas sur tes deux pieds, la crécelle à la main,
Soigneusement
gardé de tout ce qui te blesse,
Attentif
à tes pas parmi les somnambules.
Tu
apprends à marcher en allant ton chemin,
Les
yeux sur le sentier, déclinant les promesses
A l'aube de l'Eden comme à
son crépuscule.
Note : Les textes n'ont subi aucune modification profonde : ils sont seulement présentés dans l'ordre et d'une façon qui permet de les lire plus facilement.
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