vendredi 18 octobre 2024

L'ânon et le figuier

 

Quelques soirs après l’entrée du Christ dans Jérusalem, l’ânon vint brouter près du figuier. Les rumeurs de la ville s’étouffaient peu à peu tandis que les fumées se faisaient plus compactes et que le vent apportait les odeurs des mille et une choses que mangent les hommes.

De temps en temps, il portait sur le figuier un long regard doux et candide avant de se remettre à brouter son repas funèbre. Les feuilles de l’arbre desséché s’écoulaient telles des larmes : on aurait dit qu’il pleurait devant la ville qui s’enfonçait peu à peu dans les ténèbres.

Enfin l’arbre rompit le silence tranquille qui s’était installé entre les deux créatures :

- Tu crois qu’ils comprendront ?

L’ânon regarda la ville tout en finissant de mâcher l’herbe qu’il venait de brouter.

- Non. Quelques-uns, peut-être, mais les autres s’arrêteront au spectacle, aux grandes choses. Le sens de cela ne les intéresse pas. Ils se moquent bien de ce qu’il a voulu leur dire. Ce qui les passionne, c’est ce qu’ils savent déjà.

L’arbre médita quelques instants ces paroles bien sombres puis s’ébroua de joie :

- Quelques-uns comprendront ! Quelques-uns verront ! Loué soit le Seigneur, lui qui, seul dans l’univers, peut apprendre quelque chose aux hommes !

L’ânon sentit sa tristesse le quitter comme un manteau usé et frémit de bonheur en entendant ces mots pleins d’espérance. Il entonna alors un cantique bientôt repris par le figuier pour saluer la venue du Sauveur à Jérusalem.


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