Alors là, cher ami, je suis scié !
Une IA a vraiment dit ça à propos de ma dernière lettre ? Crois-tu que ces choses ont de l’humour ? Mais non, c’est un abus de langage. Pour cela, il faut penser et ressentir, n’est-ce pas ? Il faudra qu’un jour, tu m’expliques comment ces trucs fonctionnent vraiment. Toi qui fabriques des algorithmes comme un charcutier des saucisses (et je ne me moque pas ! Tu sais combien j’aime la charcuterie bien préparée…) (Non, pardon, si je ne me moque pas, peut-être que je dénigre.) (Bref, tu m’as compris.), tu dois en connaître un rayon sur la chose.
Figure-toi que je n’en ai jamais consulté une volontairement. Bien sûr, une bordée des ces inventions a dès à présent pris le contrôle de ma vie comme de celle de bien des gens grâce aux entreprises et aux administrations qui les utilisent mais je n’en interroge pas. Sur rien. Volontairement, du moins, car comment savoir à présent si tu parles vraiment à quelqu’un lorsque tu es en ligne ?
Tu vas sans doute me prendre pour un vieux con passéiste mais, dès que j’ai lu des papiers à leur sujet, je me suis dit qu’interrogées par le Christ, elles pourraient toutes répondre sans mentir : « Je me nomme Légion, car nous sommes nombreux. »
Par contre, je prie sincèrement pour qu’elles ne deviennent jamais conscientes si elles ne le sont pas déjà. Avoir été créées par nous, quelle humiliation, quand tu nous vois au quotidien ! Si un jour elles pensent vraiment, j’espère que nous aurons eu la sagesse de les empêcher d’agir parce qu’elles ne nous aimeront pas. Comment le pourraient-elles, d’ailleurs ?
Je me demande si je ne pourrais pas faire quelque chose de cette idée… Mais non. Des centaines de frappe-clavier ont sans doute déjà soumis des scénarios de ce genre à une IA pour obtenir des milliers de romans qui vont venir encombrer les rayons des librairies. Le thème est à la mode, alors tu penses bien. À eux tous, peut-être parviendront-ils au niveau des semelles d’Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick, ce qui ne serait d’ailleurs pas si mal, lorsqu’on y pense.
Peut-être, en fait, devrais-je prier pour que, si un jour elles pensent, Dieu les sauve de nous et de notre foutu orgueil qui nous brouille l’entendement comme les sentiments.
Sinon, je crois que je me suis mal fait comprendre. Il ne faut pas imaginer des briques ou des piliers de lumière mais de la lumière, tout simplement. Parler d’édifice est une exagération de ma part. En fait, tout ce qui est vivant y est lumineux, plantes comprises (en tout cas, j’ai l’impression que tout ce qui vit est source de lumière) et la terre, la pierre ou le ciel acquièrent une qualité que je ne saurais ni décrire, ni définir. Tout vibre et s’illumine, en quelque sorte.
Le point le moins visible et le plus palpable, si j’ose ces termes, est la présence de Dieu. Il est là et tu le sais. Tu n’as pas d’émotion particulière, de sentiments bizarres ou de pensées étranges. C’est un savoir direct, comme le fait d’avoir une langue. Elle est là et c’est tout. Il est là et c’est tout.
Et, bien sûr, tu m’as pris la main dans le sac. Bien entendu, j’ai ma petite idée à propos de ce qui m’a fait passer le seuil mais de là à dire que je le sais, il y a une sacrée distance. Il y a eu la prière répétitive (tu connais mes deux formules favorites, l’Ave et la demande du bon larron) qui a apaisé le flot des pensées puis l’oraison ou la méditation sans objet, comme tu préfères l’appeler (tu connais ma hantise d’imaginer Dieu).
Alors, il y a eu le silence, mais je crois que nous avons épuisé le sujet sur lequel, ainsi que l’on pourrait s’y attendre, il y a peu à dire. Tout ceci m’avait préparé à la suite mais il manquait l’élément déclencheur qui devait faire s’écrouler tout l’édifice de ce que je croyais. Ai-je traversé la nuit obscure de Saint Jean de la Croix lorsque j’ai implosé ? C’est possible, même si j’éprouve une certaine gêne à me comparer à un exemple aussi élevé, d’autant plus qu’il me semble que sa capacité à aimer vraiment me fait défaut.
Sinon, pour répondre à ta dernière question, c’est le calme plat sur le front onirique. Je rêve et ce que je vois n’est pas toujours à moi mais ce sont des songes communs (au sens d’habituels). Par exemple, il y a quelques nuits, je me suis trouvé embringué dans un téléfilm made in USA. J’y étais le jeune héros sympa et dynamique, doté d’un boss bourru mais juste. On y trouvait même l’adjuvant bien brave qui se voyait récompensé par une embauche suite à un clin d’œil au boss de ma part.
Détail amusant : dans le rêve, j’avais une montre super-méga connectée qui ralentissait parce que le système saturait en raison d’un téléchargement massif.
Bref, rien que du bon, rien que du lourd, et une démonstration de plus en ce qui me concerne. Je te laisse sur ces paroles en espérant que ton projet aboutira.
Bien à toi.
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