samedi 3 novembre 2012

Innsmouth




Comme une proie qui voit l'entrée de son terrier

S'effondrer sous ses yeux seconde après seconde

Noyée par les vagues d'une mer trop féconde

Tu sens derrière toi le monde s'éloigner



Tu as humé Innsmouth bien avant d'y entrer

Charriée par le vent l’odeur nauséabonde

S’est muée en ton corps en un bien-être immonde

Séduisant ton esprit pour mieux y pénétrer



Sous des cieux insalubres une triste bourgade

Aux impasses lugubres environne une rade



Dans la pâle lueur d’un soleil gris d’hiver

Surgit une place du centre de laquelle

Pointées vers le ciel en leur hargne éternelle

Les flèches de l’église assaillent l’univers

Arkham


Un rayon de soleil traverse les nuages

Illumine les toits constelle les pavés

D'innombrables éclats de joyaux mordorés

Révélant la beauté d'une ville sans âge



Un peu plus loin là bas au travers des branchages

D'arbres centenaires aux feuillages moirés

Tu aperçois les eaux aux doux reflets cuivrés

De la Miskatonic dansant sous les ramages


D'un pas mal assuré tu traverses le pont

Vers l'abomination qui s'étend en amont



Tels les bois d'un carcan béton et macadam

Ont imposé leur loi dans la ville nouvelle

Tu poursuis ton chemin au milieu des poubelles

Et c'est dans leur odeur que tu quittes Arkham.

Réveil


La griffe de ton chat s'est plantée dans ton bras

T'arrachant à ton rêve au moment où tu jouis

Les signes du plaisir souillent tous tes habits

Dans la salle de bain tu laves ton corps las



Le manque de sommeil t'a vaincue cette fois

Tu chasses loin de toi les vains apitoiements

La marque sur ton front s'estompe lentement

Tu le jures encore c'est la dernière fois



Le chat sur les genoux tes doigts dans sa fourrure

Parcourent tendrement le corps ivre de joie

Du guerrier qui combat l'horreur qui te dévoie

Ainsi tu remercies la douce créature



Tu le nourris enfin et contemples son corps

Ployé vers son diner mais ronronnant encore

L'enviant quelquefois le fuyant à jamais

Tu hurles ton besoin de bestialité vraie





A présent ton sauveur hurle à la trahison

Balancé par tes pas enfermé dans sa caisse

Tu fais tes adieux à tout ce que tu laisses

Tu t'en vas vers Insmouth y chercher ta raison

Le premier rêve


C'est au son du ressac que le rêve commence

Tandis que tu gravis les rochers basaltiques

Où serpente un chemin de procession antique

Qu'arpente une assemblée tout emplie d'impatience



Elle attend un signal dont tu sens l'imminence

Là soudain dans la nuit s'élève une musique

Aux rythmes licencieux, aux accents frénétiques

De la masse s'élève une clameur immense



Sous le fouet du désir tu te joins à la danse

Et gémis en cadence en criant ta jouissance



Tes désirs mis à nu sont la clef d'autres portes

Leur meute confuse te conduit en hurlant

Vers l'abysse sans fond où le chasseur attend

La proie tant convoitée qu'un rêve lui apporte

Le fruit de l'arbre


Le fruit de l'arbre



Le souffle un peu court, il posa un baiser au creux de son épaule et elle rit doucement, d'une joie pure et vraie. Les premiers éclats le firent se cabrer, puis il se détendit pour se joindre à elle. Leurs corps s'imbriquaient dans le creux au centre du lit, enlacés dans les derniers lambeaux de l'incroyable fusion qui venait de les anéantir pour mieux les recréer, toujours semblables et à jamais changés. D'une lente caresse, il sépara les longues mèches de ses cheveux jusqu'à ce qu'il put distinguer les traits de son visage. Il les scruta longuement, comme pour s'imprégner de ce qu'il contemplait; elle se redressa sur un coude et déposa un baiser sur chacune de ses paupières. Il bascula sur le côté et se coucha de tout son long.

    - Je... Tu sais, c'était bien mieux qu'avec maman. Tu baises tellement mieux qu'elle!
    - Oui, je sais. Papa me l'a souvent dit.

Son ton était glacé. Il se tourna vers elle.

    - Non, ce n'était pas ce que je voulais dire!
    - Que voulais-tu dire, dans ce cas? repartit-elle d'une voix toujours plus froide.
    - Que... enfin, que c'était formidable! Jamais je n'aurais cru cela possible. Écoute, si je t'ai froissée, je te prie de m'en excuser. J'ai parlé sans réfléchir.
    - Sans réfléchir, tu dis? Elle est ma mère, à moi aussi! Et, si tu veux tout savoir, elle « baise » mieux que vous deux réunis.

Il se tut durant un moment. Ensuite il fit mine de se lever puis se recoucha, se tournant à nouveau vers sa sœur. Après un long silence, elle lui donna une petite tape sur la joue.

    - Allez, excuses acceptées...
    - Vraiment? Tu me pardonnes?
    - Mais oui, idiot, dit-elle avant d'embrasser son frère. Tu es bien comme ton père.
    - Comme lui, vraiment? Je veux dire, c'était aussi bien qu'avec lui? C'était... exactement pareil, ou un peu différent?

Sa voix tremblait comme il disait cela. Il se pelotonna contre elle et la serra dans ses bras. Elle ne disait rien. Il enserra dans sa main la courbure de son sein.

    - Différent, en fait; parfois tu es comme lui, et l'instant d'après tu es comme maman. C'est à la fois curieux et agréable.

Elle sentit sa main se mettre à trembler et la couvrit de la sienne, la caressant tout doucement.

    - Comme maman?!

Elle rit à nouveau.

    - Oh oui, absolument comme elle. Et c'est merveilleux, si doux, si tendre! Et puis l'instant d'après, tu es comme lui. C'est bien aussi, mais différent.
    - Comment ça, comme lui?
    - Enfin, tu sais bien?
    - Non. Non, je ne sais pas, dit-il en la prenant dans ses bras.
    - Quoi? Tu veux dire que tu n'as jamais fait l'amour avec papa?

Cette fois, elle éclata vraiment de rire. Il s'éloigna d'elle, de ce corps secoué par des vagues d'une hilarité qu'on aurait crue inextinguible. Tout son être se contractait. Il se sentait si bête. Peu à peu, elle retrouva son calme et se pressa contre son frère.

    - Allons, du calme, grand nigaud! Comment aurais-je pu imaginer cela? Allons, viens là, contre moi... Oui, comme cela... Là, calme-toi... Tu sais, il n'est jamais trop tard.

Ce fut elle qui le guida d'une main ferme jusqu'à la porte de la chambre de leurs parents, elle qui la gratta doucement avant de la pousser.

Plus tard, alors qu'elle venait de se lever pour aller au toilettes et remontait le couloir sans un bruit, elle entendit derrière la porte un « oh » aussi stupéfait qu'émerveillé. Elle s'arrêta, ferma les yeux et plaqua son corps contre le mur. Enfin, elle reprit sa marche.

Elle ne le revit que le lendemain matin, dans la cuisine où régnait une douce odeur de café mêlée à celle de pain grillé. Sur la table était posé un plateau sur lequel se trouvaient deux tasses, des tranches de pain dorées, noires par endroits, une coupelle contenant du beurre et un pot de confiture. Lui-même était devant la cuisinière, surveillant le contenu d'une casserole. Il portait l'une des nuisettes de sa mère, un court vêtement de soie couleur pêche dont le tissu satiné moulait ses fesses tendres et fermes à la fois, dessinant dans un jeu de lumières et d'ombres les creux de celles-ci.

Entendant sa sœur entrer, il se retourna brusquement et se mit à rougir. Sa main tremblante alla chercher l'extrémité de la nuisette et se mit à la serrer convulsivement tout en lui imprimant un balancement. Le bruit émis par le lait en train de bouillir lui permit d'échapper à ce regard qui le tétanisait. Tandis qu'il retirait la casserole du feu, elle posa deux tasses sur un autre plateau et s'affaira en silence. Il ne savait que faire. Enfin, elle vint vers lui, la cruche de la cafetière à la main.

    - Tu ferais bien de te dépêcher. Tu sais qu'il l'aime très chaud.

Il restait là, immobile, sa main à nouveau prisonnière de ce geste de petite fille. Il prit soudain la cruche, emplit l'une des tasses entièrement et l'autre à moitié. Tandis qu'il se tournait vers la cuisinière pour prendre la casserole, elle saisit son bras, amena son frère face à elle et posa un baiser sonore sur sa joue rouge de honte.

    - Elle te va très bien, tu sais. Tu devrais en porter plus souvent.

Tout en disant cela, elle tendait la main et rajustait l'une des bretelles de la nuisette de son frère; elle l'agita pour en répartir les plis. Le corps de celui-ci se détendit dans l'instant.

    - Tu trouves? demanda-t-il en achevant sa tâche. Je... je croyais, justement...
    - Mais si, gros bêta! tu es superbe! s'exclama-t-elle en lui tapotant les fesses.

Sourire aux lèvres, il prit son plateau et s'éclipsa.