Par une nuit d'orage, je sortis sur le perron du castel qui m'avait vu naître pour crier ma juste colère au ciel.
Tout empli d'une ire brûlante, je contemplais les éclairs zébrant la nuée, tels des manifestations de ma rage.
J'en voulais à Dieu, aux dieux, à la destinée et à l'univers, et j'aurais aimé pouvoir les tenir dans mon poing pour les y broyer.
Bien décidé à montrer ma révolte à ce monde qui ne me méritait pas et tentait de me détruire tel un simple mortel, j'entrepris ma terrible ascension.
Dans la nuit et le vent, je montais l'étroit sentier menant au sommet du mont qui surplombait le lac où tout avait commencé.
Là, je m'assis sur un rocher et perdis mon regard dans les sombres étendues des eaux tumultueuses, agitant de noires pensées.
Le menton reposant sur mon poing reposant sur mon poignet reposant sur mon avant bras reposant sur mon coude reposant sur mon genou, je songeais.
J'étais décidé à tout renier pour m'abandonner aux funestes puissances qui siègent au plus profond de l'âme humaine.
Tel un philosophe dont l'auguste regard scrute l'infini sans céder à la peur pour examiner les secrets de l'univers, je regardais.
Je plongeais mes yeux dans l'abîme, je l'appelais de mes vœux, invoquant les ténèbres au plus secret de mon être.
Je regardais l'abîme, et l'abîme me vit.
« Tutt tutt ! », clama-t-il sur un ton strident évoquant un klaxon faussé, puis il éclata d'un rire gras : « Ha ha ha ! »
« Pouett pouett ! », émit-il d'un ton grave rappelant un soufflet de forge fatigué, puis il se convulsa dans un rire rentré : « Hi hi hi ! »
Un peu dépité et vaguement nauséeux, je me détournai du mal pour rentrer chez moi.