samedi 29 mai 2021

A la manière d'un feu de joie


- Bien longue fut la nuit pour mes forces usées ;
Qu'il est dur et ardu, le sentier que je suis !
Y-a-t-il une fin aux tourments que j'essuie ?
Un seul instant de paix m'est partout refusé.

Le chemin est très long et je suis épuisé ;
J'ai tant marché hier et aussi aujourd'hui
Au milieu de ces gens plus fermés que leurs huis !
Puis-je rester ici ? Puis-je m'y reposer ?

- Je sens ton désespoir et je vais t'en guérir :
Quel monstre laisserait son prochain dépérir ?
Il fait chaud dans mon cœur comme sur un bûcher.

Mon homme est bien armé, mes enfants ont des pierres ;
Tant d'autres vagabonds ont engraissé nos terres !
Approche, voyageur, viens donc te réchauffer.

samedi 22 mai 2021

Profundum


    Par une nuit d'orage, je sortis sur le perron du castel qui m'avait vu naître pour crier ma juste colère au ciel.
    Tout empli d'une ire brûlante, je contemplais les éclairs zébrant la nuée, tels des manifestations de ma rage.
    J'en voulais à Dieu, aux dieux, à la destinée et à l'univers, et j'aurais aimé pouvoir les tenir dans mon poing pour les y broyer.
    Bien décidé à montrer ma révolte à ce monde qui ne me méritait pas et tentait de me détruire tel un simple mortel, j'entrepris ma terrible ascension.
    Dans la nuit et le vent, je montais l'étroit sentier menant au sommet du mont qui surplombait le lac où tout avait commencé.
    Là, je m'assis sur un rocher et perdis mon regard dans les sombres étendues des eaux tumultueuses, agitant de noires pensées.
    Le menton reposant sur mon poing reposant sur mon poignet reposant sur mon avant bras reposant sur mon coude reposant sur mon genou, je songeais.
    J'étais décidé à tout renier pour m'abandonner aux funestes puissances qui siègent au plus profond de l'âme humaine.
    Tel un philosophe dont l'auguste regard scrute l'infini sans céder à la peur pour examiner les secrets de l'univers, je regardais.
    Je plongeais mes yeux dans l'abîme, je l'appelais de mes vœux, invoquant les ténèbres au plus secret de mon être.

    Je regardais l'abîme, et l'abîme me vit.

    « Tutt tutt ! », clama-t-il sur un ton strident évoquant un klaxon faussé, puis il éclata d'un rire gras : « Ha ha ha ! »
    « Pouett pouett ! », émit-il d'un ton grave rappelant un soufflet de forge fatigué, puis il se convulsa dans un rire rentré : « Hi hi hi ! »

    Un peu dépité et vaguement nauséeux, je me détournai du mal pour rentrer chez moi.

L'air du temps


Les hordes modérées, leurs bouches écumantes,
Vont scandant des slogans appelant à la mort
Des pseudophobes las qui sans aucun remord
Ont coupé les écrans que la peur alimente.

Maxime : Les sur-marins

              Si nous n'avons tous que des relations de surface, c'est parce que nous n'avons pas de profondeur.


mercredi 5 mai 2021

Le bon luron


      L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues. Au miséreux qui tousse sur son grabat miteux, il dit : « Demain, tu seras mort. » Et quand, au matin, le soleil luit et brille sur le pauvre homme qui gémit, qu'est-ce qu'il rit, mon Dieu, qu'est-ce qu'il rit !
     Je sais, c'est con : l'Ankou n'est pas le bon larron.

     L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues. A l'homme riche qui a vieilli, il dit : « Ton argent peut te sauver. » Et quand l'heure vient et que le vieillard blêmit, qu'est-ce qu'il rit, mon Dieu, qu'est-ce qu'il rit !
     Je sais, c'est con : l'Ankou n'est pas le bon larron.

     L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues. Au jeunot dont la mère meurt à quelques pas, il dit « C'est trop injuste ! Cela n'arrivera pas. » Et quand s'achève l'agonie et que l'enfant se recroqueville, qu'est-ce qu'il rit, mon Dieu, qu'est-ce qu'il rit !
     Je sais, c'est con : l'Ankou n'est pas le bon larron.

     L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues. Au transhumain au corps siliconé et amplifié, il dit « Bientôt l'immortalité ! » Et quand l'alarme retentit et que le voyant rougit, qu'est-ce qu'il rit, mon Dieu, qu'est-ce qu'il rit !
     Je sais, c'est con : l'Ankou n'est pas le bon larron.

     L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues. A l'amoureuse transie, il dit : « L'amour est éternel. » Et quand la nuit elle se blottit contre son amant refroidi, qu'est-ce qu'il rit, mon Dieu, qu'est-ce qu'il rit !
     Je sais, c'est con : l'Ankou n'est pas le bon larron
.

L'Ankou n'est pas le bon larron
Mais c'est quand même un gai luron
Ce type est un marrant
Et c'est un bon vivant
Des blagues comme ça
Il en connaît des tas
Au bas mot mon ami
Sept milliards et demi

L'Ankou n'est pas le bon larron
Mais c'est vraiment un gai luron
Chacun va le trouver
Quand il vient dégoiser
Les vannes c'est son fort
Il te fait rire à mort
Quand tu les entendras
Tu n'en reviendras pas