mercredi 24 août 2022

Épigraphie urbaine


Lettre d'amour trouvée gravée sur un banc public


        Tant que tu seras sur ce chemin, tant que je serai sur ce chemin, nous resterons ensemble, main dans la main, nous confortant tandis que la nuit vient.
        Elle tombera, Oh oui elle tombera, sur toi et sur moi. Je ne veux pas me mentir, je ne peux pas te mentir, ces choses-là sont peu émues par nos désirs : elles arrivent et c'est tout, sans se soucier de nous.
        Mais je peux être là, près de toi et tu peux être là, près de moi ; c'est déjà ça.

        Pourtant, l'un de nous partira tandis que l'autre restera. C'est comme ça. Je ne veux pas me mentir, je ne peux pas te mentir, le monde est fait ainsi, la vie est faite ainsi. Ces choses-là arrivent et c'est tout, sans se soucier de nous.

        Mais je peux être là tant que j'en ai le choix et tu peux être là tant que tu en as le choix : cela seul dépend de nous dans cette vie qui n'est pas nous, ni même à nous.
        Viens donc dans mes bras et prends-moi dans tes bras : cela seul est à nous, cela seul dépend de nous. Et puis marchons, il fait si froid, marchons ensemble dans ce monde qui nous séparera.


Note : Il existait une dernière phrase, illisible à présent. Elle a été recouverte de dessins des parties génitales des deux sexes.

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mercredi 3 août 2022

272, Avenue du Ciel


Dialogue de fiel et de miel entre iel et ciel



    La scène est dans un bureau pimpant, très high-tech, design et stylé. Assis dans un fauteuil, iel tape de ses nombreuses mains sur de nombreux claviers tout en marmonnant à l'aide de ses nombreuses bouches dans de nombreux micros une sorte de brouhaha diffus. Dieu semble absent de ce lieu où sa présence parvient pourtant à se faire sentir.


« Prends ta croix et suis-moi. »,
Exhorte le Seigneur.

- Hélas, je ne peux pas,
On m'attend sur Twitter.

Je me sens responsable
Devant le genre humain :
J'ai un monde à sauver.
N'es-tu pas le coupable,
Toi qui te prétends saint ?
Je vais t'y crucifier !
Tant de minorités
Souffrent de tes paroles,
Je dois les secourir !
Tes voies sont vanités,
Tes prétentions sont folles,
Tu n'as plus qu'à mourir.

- Mon langage est le monde,
Tu es l'un de mes mots,
Ne veux-tu pas m'entendre ?

- Pas même une seconde !
Je ne suis pas idiot :
Tu n'as rien à m'apprendre.
Je ne crois qu'en la science
Qui me dit de chérir
Ma culpabilité.
Je suivrai ma conscience
En tentant de guérir
Ce monde dévasté.
N'attends pas que je prie,
Je sais quelle est ma voie,
Je m'en vais nous sauver.

- Qui veut sauver sa vie
Perdra ce qu'il n'a pas :
Qu'as-tu donc à donner ?

- Tout mon être éveillé
A la souffrance humaine,
Je le sacrifierai !
Nous t'avons dépassé
Et en brisant nos chaînes,
Nous nous sommes trouvés !
Subis mon regard fier
Qui te juge et te dit :
« Je ne veux plus souffrir ! »
Toi, tu étais hier.
Moi, je suis aujourd'hui.
Tu n'as plus qu'à mourir.

- L'alliance avec la mort
Ne mène qu'au shéol ;
Prends appui sur la pierre.

- Tais-toi ! Moi je suis fort !
Toi tu n'es qu'une idole
Et je règne sur terre !
Par mes tweets et mes postes,
Je décide de tout,
J'ordonne l'univers !
Tremble devant notre ost,
Supplie-nous à genoux,
Rampe dans la poussière.

- Ta couronne d'ivrogne
Ne sera plus que cendres
Au jour de la moisson.

- Va-t-en cacher ta trogne
Et va te faire pendre
Tandis que nous croissons !
La foule t'a jugé,
Tu ne nous es plus rien
Qu'un mauvais souvenir.
Dans la diversité,
Nous répandrons le bien
Jusque dans l'avenir.

- Une dernière fois,
Laisse là tes discours,
Abandonne tes peurs.
Prends ta croix et suis-moi
Sur le chemin d'amour
Puis prends place en mon cœur.

- Pour la dernière fois,
Crève donc sur ta croix,
Pour moi j'ai fait mon choix !
Je le dis sans détour,
Ton discours fait un four,
Les likes sont pour moi.


    La scène est si vide à présent qu'elle est pleine de la présence de Dieu. Pourtant, on n'y voit rien et c'est à peine si on entend quelques mots.

Lui qui aurait pu vivre et aimer
Préfère gémir et pourrir.
Mon âme est triste à en mourir.
C'est fini. Tout est consommé.

    Rideau.


Notes :

    -Pour la plus grande part, ce poème s'appuie sur le livre d'Isaïe (28) et sur quelques passages des Évangiles. Il constitue une sorte d'ajout à un autre texte publié sur ce blog, « Le genre humain au Golgotha » (Vous pouvez y accéder en cliquant sur le lien). A la manière d'auteurs anciens, j'ajoute que si les citations sont leurs, les erreurs sont miennes.

    - Merci à A.M. d'avoir suggéré un titre plus satisfaisant que l'original.


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