dimanche 17 avril 2022

Sommaire du blog (17/04/2022)

 

Ce plan non exhaustif regroupe la plupart des textes que j'ai publiés sur ce blog en fonction de critères variés mais hélas insuffisants. Les descriptions évolueront avec le temps car l'ensemble est encore en chantier. Tous les hyperliens renvoient vers d’autres tables des matières plus détaillées situées également dans le blog, comme vous pourrez le voir en les survolant avec un pointeur avant de cliquer si le cœur vous en dit.

D A F B – Ensemble de poèmes contés ayant pour thème la vie d'un étrange moine chrétien parmi d'étranges moines bouddhistes dans une étrange contrée aussi improbable que lointaine.

L'Avenue du Ciel – Ensemble de poèmes ayant trait à la vie spirituelle, ou plutôt à une vision de celle-ci ; ils sont souvent inspirés de textes bouddhistes ou chrétiens cités dans les notes quand ils sont peu connus en France.

Poèmes en prose – Le titre me paraît clair. Les poèmes, je le crains, le sont beaucoup moins.

Voyages autour de mon lit – Ensemble de poèmes ayant pour thème la méditation dont je ne suis ni un maître, ni un spécialiste. En revanche, j'en ai une certaine connaissance pratique. Les textes sont donc, en quelque sorte, des impressions de méditation mais aussi des notes de travail.

Poésies diverses – Poèmes très variés tant par les formes utilisées que par les thèmes abordés. Certains d'entre eux devraient à terme se voir attribuer une adresse dans l'Avenue du Ciel.

Contes – Courts textes répondant à la description originelle des « brèves de mouroir », c'est à dire des nouvelles dans lesquels le comique naît du tragique et inversement.

Fragments d'Innsmouth – Poèmes devant, une fois qu'ils seront achevés et s'ils le sont, former une œuvre inspirée de celles de Lovecraft.

Octembre – Conte merveilleux (au sens littéraire du mot) assez long pour être divisé en chapitres.

Maximes et autres moralités - Brefs aphorismes ayant peut-être un sens.

Table des contre-essais - Un contre-essai est à l'essai ce qu'un contre-jour est au jour.


samedi 9 avril 2022

DAFB 7 - En chantier

 Discours et anecdotes de la forêt des bambous plus hauts que les montagnes mais moins vastes que le ciel

En chantier


Puisque je viens de parler du maître de souffrance, j'aimerais raconter ici l'une des leçons informelles qu'il prodiguait à ses compagnons. S'il est possible qu'elle paraisse obscure aux yeux de mes éventuels lecteurs, elle fut pour moi si lumineuse qu'elle changea non seulement mon présent et mon futur mais aussi mon passé.

Sans être vraiment atypiques, les enseignements de ce maître étaient inhabituels puisqu'il ne disait presque rien dans un cadre formel, préférant apparemment laisser à la vie le soin d'offrir un lieu, un temps et un thème appropriés à ses causeries.

Ce jour-là, nous étions en train de bâtir des huttes pour trois moines dont les habitats avaient subi un glissement de terrain et se trouvaient à présent au fond d'un ravin. Le révérend (désignons-le ainsi) était assis par terre, occupé à tresser des végétaux pour en faire des cordons plats. Autour de lui, tous les moines s'affairaient, occupés à diverses tâches que l'un d'eux coordonnait, n'hésitant pas à donner des consignes à ses supérieurs lorsque le besoin s'en faisait ressentir.

Un novice (désignons-le ainsi) s'approcha du révérend (continuons à la désigner ainsi) et s'inclina formellement, indiquant ainsi qu'il voulait parler de religion au tresseur de corde. Celui-ci finit le rang qu'il avait commencé, vérifia sa solidité puis déposa le tout sur une pierre plate, jaugeant du regard le moine à la mine atterrée.

-J'ai encore fait un rêve.

-Menteur.

Le mot terrible était tombé des lèvres du révérend, prononcé d'un ton froid et détaché, comme s’il énonçait un simple fait alors qu'il accusait son compagnon d'un crime presque aussi grave qu'un meurtre aux yeux de ses coreligionnaires. Pourtant, le moine continua comme s'il n'avait rien entendu.

-J'ai rêvé d'une poule à deux têtes, et chacune essayait de picorer les yeux de l'autre.

-Menteur.

-Je n'en peux plus. Ces rêves me rendent fou !

-Ah, enfin un peu de vérité !

Le jeune moine redressa la tête. Il était en larmes.

-Je n'ai pas menti ! Tout ce que j'ai dit était vrai.

-D'accord, tu n'as pas menti. En revanche, à peu près tout ce que tu as dit était faux.

Le chantier était à présent totalement silencieux. Comme je l'ai dit, l'accusation portée par le révérend était très grave car le mensonge est à leurs yeux un acte quasi-criminel, surtout concernant la religion. Je connais leur droit canon aussi mal que le nôtre mais je sais qu'un moine peut être chassé de son ordre s'il a fait une entorse grave à la vérité. Pourtant, le silence des moines n'avait rien de menaçant : à quelque signe, ils avaient vu que le supérieur avait un but et que sa sécheresse apparente était le fruit de sa bonté, chose dont le novice ne semblait pas conscient.

-Ecoute-moi attentivement. Je ne doute pas un instant que ta description du rêve soit vraie. En revanche, ce que tu en dis est faux. Tu dois apprendre à voir ce que tu vois et non ce que tu crois voir, à entendre ce que tu entends et non ce que tu crois entendre, et de même pour les quatre autres sens. C'est ainsi que tu dois les utiliser. Pour parvenir à cela, tu dois croire ce que tu vois, sinon tu continueras à voir ce que tu crois. Non, tais-toi.

Il venait de lever la main pour empêcher le jeune moine de répondre.

-Je sais, cela n'a l'air de rien mais réfléchis-y soigneusement puis viens me trouver. Si tu me prouves que mes paroles n'ont pas de sens ou sont sans utilité, je l'admettrai devant tous nos frères. Retourne travailler.

Lui-même ramassa son cordon et commença un nouveau rang tandis que le chantier reprenait vie. Je ne sais pas ce que le jeune moine fit de ses paroles mais je sais que, pour une raison mystérieuse, elles me hantèrent un long moment tandis que j'aidais mes compagnons à retirer des vers de la terre pour les déposer à l'abri de nos allées et venues. Ce fut au moment où je déposais une motte pleine d'habitants que quelque chose me frappa dans ses mots. Je me souvins de mes visions, des récits que j'en avais fait et du courroux de mes maîtres, de toutes ces chicanes, de ma condamnation et puis de mon départ. Je me souvins de tout cela et de bien d'autres choses encore et puis je me souvins enfin de toi, mon Seigneur et mon ami, tel que je t'avais vu. Tel que je te vois.

Quand je revins à moi, le révérend me regardait en riant et en battant des mains à la manière d'un enfant qui vient de recevoir un beau cadeau ; moi, j'étais un homme libre.


D A F B (table des matières)

Sommaire général