dimanche 22 mars 2020

113, Avenue du Ciel

« Other people can't come in to lead you away, but these demons of your own defilements can because you are willing to trust them, to be their slave. »
Upasika Kee Nanayon



Chacun est crucifié à l'ombre de ses jours :
Un procès sans appel, un verdict sans recours,
C'est cela une vie menée sans espérance
Pour qui ne cherche pas la fin de la souffrance.

Esclave des désirs sans espoir de rachat,
Poursuivi de lazzis, bombardé de crachats,
Gravir le Golgotha sans Simon de Cyrène :
C'est cela le chemin, pour qui aime sa peine.

Tout autre est le chemin de ceux qui vont sans maître :
Consentir à la croix mais ne pas s'y soumettre,
La crécelle à la main, parcourir le sentier,
Pour ce qui ne meurt pas se donner tout entier ;

S'avancer dans la nuit, guidé par l'espérance
Pour trouver le repos, la fin de notre errance,
Laisser derrière soi et jamais et toujours
Et, dans un flot de joie, avancer dans le jour.



Note : La citation est extraite du texte intitulé « The Battle Within »que l'on trouve dans l'ouvrage An Unantangled Knowing, The teachings of a Thai Buddhist Lay Woman , un recueil d'enseignements très énergiques donnés par une fidèle laïque thaïe nommée Kee Nanayon. La traduction due à Thanissaro Bhikkhu peut être trouvée sur le site « dhammatalks.org ». 


jeudi 12 mars 2020

231 (bis, ter)


231, Avenue du Ciel

De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule
S'étire une autoroute où tous les véhicules
Klaxonnant de concert s'en vont jusqu'au péage
Pour y payer le droit d'achever leur voyage.

De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule
Serpente une rivière envahie de touristes ;
Quittant leurs vêtements, ils fuient la canicule
Et descendent les flots, mués en kayakistes.

De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule
On a tendu un fil au dessus de l'abîme ;
Des touristes joyeux y jouent au funambule
Et tombent en riant, roulant de cime en cime.

De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule
Va un petit chemin où les joggers s'élancent,
Courant après leur vie entre les hiérodules
Qui pour les saluer sanglotent en silence.

Parfois quelqu'un s'arrête et les anges frémissent :
Ils scrutent les passants, recherchent les prémices
D'un début de question en ceux qui déambulent
De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule.

Le touriste à l'arrêt, par peur du ridicule,
S'en va dans un sursaut ; tandis qu'il accélère
Les hiérodules las repartent vers leur aire
Dans l'aube de l'Eden et dans son crépuscule.



231 bis, Avenue du Ciel

Tel un prince endormi menacé d'une fronde,
Un touriste parfois quitte son hébétude
Et secoue sa torpeur pour tenter d'en sortir.

Tout son être avili par la lèpre du monde
Se tord pour échapper à la douce quiétude
Du songe merveilleux qui vient pour l'engloutir.

Il palpe sa personne et gémit dans la nuit
Quand son corps couturé de mille cicatrices
En quête de plaisir rencontre la douleur.

Les loisirs inventés pour tromper son ennui,
Les appétits sans frein qui faisaient ses délices,
Sans le fouet du désir ont la saveur des pleurs.

Rongé par la santé, tout son monde bascule :
La maladie perdue a enfin dénudé
La souffrance cachée sous un cuir de goret.

De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule,
Il cherche le chemin qu'il avait éludé ;
Tournant le dos au monde, il va vers la forêt.



231 ter, Avenue du Ciel

Les touristes pressés parcourent tous les lieux ;
Ils roulent en vélo, rollers ou trottinette,
Ne s'arrêtant jamais que pour quelque bluette
Bien vite interrompue par un temps trop précieux.

De ce qui n'est pas eux, ils se font oublieux,
Jouant à la marchande ou bien à la dînette,
Ou bien se chamaillant pour plumer l'alouette ;
Quand tout est consommé, ils vont sous d'autres cieux.

Tu vas sur tes deux pieds, la crécelle à la main,
Soigneusement gardé de tout ce qui te blesse,
Attentif à tes pas parmi les somnambules.

Tu apprends à marcher en allant ton chemin,
Les yeux sur le sentier, déclinant les promesses
A l'aube de l'Eden comme à son crépuscule.



Note : Les textes n'ont subi aucune modification profonde : ils sont seulement présentés dans l'ordre et d'une façon qui permet de les lire plus facilement.

mercredi 4 mars 2020

58, Avenue du Ciel

« Quiconque est torpide, glouton, endormi, qui erre de ci de là, ou qui gîte comme un gros porc nourri d'eaux sales, cet homme stupide, encore et encore, cherchera la matrice (la renaissance). »

                                                                                                                 Dhammapada – 23 , 325

Couplets :

Comme le porc contraint par un boucher avide
A vivre dans la fange et le lisier pourri,
Couvert de déjections et toujours plus nourri,
Ton esprit fait du lard et ton regard se vide.

Tout ton être s'incarne en un écran stupide :
Ainsi abandonnée, ta réflexion surit ;
Ainsi entretenue, ta bêtise mûrit,
Gavée jusqu'au gosier d'un verbiage insipide.

Lapidé de discours, tu cours vers ton tourment ;
Quand le flux ralentit, tu ouvres une page
Sans aucun contenu mais pleine de tapage ;
Elle se vidange en toi et tu bois goulûment.

Tu aspires bientôt au statut d'instrument ;
Tu ouvres le réseau et là tu te soulages :
Déverse donc ton fiel dans le grand déballage !
Le bûcher de la vie a besoin d'aliments.

Refrains :

Impur !
Telle est la ritournelle
Que chante la crécelle.

Impur !
Tu fouilles de ton groin
Jusqu'au moindre recoin.

Impur !
Enfoncé dans l'ordure
Tu jouis de ta souillure.

Impur !
N'en-as-tu pas assez ?
Quand vas-tu renoncer ?



Note : On peut lire ou télécharger la traduction du Dhammapada dont la citation est tirée sur le site « Dhamma de la Forêt ». Une autre plus ancienne est disponible grâce à « Wikisource ». Les traductions anglaises sont très nombreuses : vous aurez donc l'embarras du choix. Signalons toutefois que « SuttaCentral » a l'avantage de proposer une version en pali, deux traductions de base ainsi que d'autres en de nombreuses langues dont la française déjà proposée par « wikisource ».