dimanche 29 septembre 2013

Pulchrissima


Dix perles de rosée ornent les doux pétales

Des fleurs de vos pieds aux senteurs automnales;

Leurs tiges recourbées, cambrées vers le ciel,

Exhalent dans l’azur l'arôme du miel.



Elles prennent leurs racines en un astre qui luit,

Où un sombre vallon s’achève près d’un puits

A la souple margelle, enserrant en son sein,

Un mystérieux liquide au délicat parfum,



Eau même de la vie toute nimbée d’étoiles

Qui s’élèvent sans fin en un ciel vespéral

Où brille tendrement un unique soleil

Illuminant la nuit d’un doux éclat vermeil.



Dix gouttes de pluie brillent sur les racines

De vos divines mains, dont les attaches fines

Qui ont en leur blancheur la splendeur de l’hiver

Dissimulent la force unissant l’univers.



Comme des arcs-en-ciel, les courbes de vos bras

S’élèvent dans la nue, inondant de lumière

Toutes vos créatures implorant ici-bas

De connaître l’ardeur de votre étreinte fière.



Nectar et ambroisie sont cachés en deux sources

Couronnant deux collines à la courbure douce

Surplombant une plaine, un vaste et beau jardin

Au parfum printanier, à l’éclat opalin.



Dans les cieux de ce lieu scintillent deux étoiles

A la chaude clarté d'un soleil estival;

Telle une voie lactée, brillant de mille feux,

S’épanouit autour l’aura de vos cheveux



Encadrant de leurs courbes un visage sublime

Dont le moindre sourire est pour nous un abîme

Où se perd à jamais ce qu’on nomme raison,

Où tous les cœurs des êtres battent à l’unisson



Du souffle de la femme en lequel ils retrouvent

Le bonheur éperdu de vos deux bras qui s’ouvrent.

dimanche 19 mai 2013

Le changement, c'est maintenant.


C'est maintenant.



Assise au pied de son lit, Claire mâchonnait pensivement une mèche de ses cheveux . Sur son bureau, sa tablette s'anima soudain, illuminant l'angle de sa chambre cernée par la nuit. Claire n'était pas là. Sa tablette s'éteignit, rendant aux ténèbres ce lieu désespérément vide.

Elle avait cessé de chercher. Il n'y avait pas de porte de sortie, ni même d'issue de secours. Tous les voyants étaient au rouge et les banques n'attendraient pas. Elle était désarmée et encerclée. Finies, les études. Finis, les rêves. Quelles options lui restait-il ? La criminalité ? Elle n'aurait même pas su par où commencer. Ou bien la prostitution dans l’éros center du quartier. Ou bien... poulinière.

L'espace d'un instant, elle revit la petite imbécile arrogante qu'elle avait été. Sous le coup des souvenirs, un sourire sinistre s 'épanouit sur ses lèvres douloureuses à force d'être mordues.

Le jour des résultats du bac. Elle aurait dû comprendre, ce jour-là. Elle était si belle alors ! Elle revit en esprit la petite robe bleue qu'elle avait été si fière de porter, celle avec une fleur brodée à droite du décolleté, ce vêtement qui l'avait éblouie dès le premier regard. Elle était là, attendant la promulgation des résultats. Elle aurait pu rester chez elle devant sa tablette mais elle était allée au lycée retrouver ses amis. Et Madame Gombard, le professeur de philosophie qui avait été, une année durant, la source de ses cauchemars et l'objet de sa vindicte.

« Claire, t'es la meilleure ! »

Oui, oui, la meilleure, la première ! Peut-être allait-on l'interviewer, songeait-elle en rajustant sa tenue et en jetant un coup d’œil du côté du journaliste qui fumait une cigarette électronique, un air blasé figé sur ses traits endormis.

Et puis Madame Gombard était venue vers elle en souriant. Elle avait alors posé la main sur son épaule d'un geste chaleureux avant de décocher sa flèche de Parthes :

« Toutes mes félicitations, Claire. Vous avez de l'or dans votre ventre. »

Elle aurait dû comprendre, ce jour-là.

Ou l'année d'après, en voyant son frère décliner un peu plus chaque jour. Il lui fallait de l'argent pour payer ses études. A qui n'en fallait-il pas, à part les enfants de professeurs et les privilégiés ? Il avait tout essayé. Toutes les portes s'étaient fermées, même celles des fast-foods qui croulaient sous les demandes d'emploi, même celles des services d'aide à la personne, qui n'embauchaient plus que des jeunes sur-diplômés payés au salaire minimum. Il avait tout essayé. Jusqu'au test génétique. Quand le résultat arriva, leur père déboucha une bouteille de champagne offerte par une voisine. Enfin, la roue avait tourné ! Il avait obtenu la note maximale !

Dès le lendemain, il était à l'hôpital, engoncé dans une combinaison de cyberespace, une trayeuse stérile fixée à ses parties génitales.

Elle ne l'avait revu que deux mois plus tard, lors d'un congé universitaire. Il était assis dans la cuisine, fixant d'un œil hagard une tasse de café préparé par sa mère, une tasse de ce café à l'odeur riche et douce qu'il avait tant aimé, avant. Il n'attendait plus rien de la vie, à présent, sinon son quart d'heure de plaisir absolu que seul l'hôpital avait les moyens de lui procurer.

Oui, ce jour-là, elle aurait dû comprendre.

Ou bien l'année d'après, quand Yasmina avait avalé une boite entière de calmants avant de se jeter de la fenêtre de sa chambre d'étudiante. Depuis des mois, elle avait des moments d'absence. Claire n'avait rien vu. Tous les jours, toutes les heures, elle consultait le site de sa banque. Claire n'avait rien voulu voir.

On l'avait sauvée, ce soir -là, avant de la déclarer « danger pour elle-même » puis de l'interner d'office, pour son propre bien. Claire l'avait revue durant les vacances d'été, camée par son médecin, accroc aux anxiolytiques et enceinte jusqu'aux yeux pour payer son traitement.

Ce jour-là, en la voyant, elle avait commencé à comprendre.

Maintenant, elle savait.