dimanche 26 décembre 2021

HEL, pour radier de beauté

 Publi-information


HEL


Votre nouveau produit de beauté


C'est au cœur du ventre des femmes qu'étaient cachés les secrets de la jeunesse, de la beauté et de la santé et c'est là que nos laboratoires les ont découverts pour vous.

Dès la première application de ce masque aux purs extraits de jus de fœtus¹ humain naturel², vous sentirez s'étendre dans votre chair ses effets bienfaisants. A bout de trois semaines seulement se répandront sur vous les doux coloris de la putréfaction, bleus, verts et pourpres s'harmonisant pour révéler votre beauté.

Pour les maquillages les plus osés, nous vous proposons également toute la gamme des produits Nergal développés à partir de cellules souches de mouches³ à viande qui dévoreront les chairs nécrosées pour révéler la douce blancheur de votre crâne.


Osez la mode


Osez HEL



1 Origine FRANCE garantie. Tous.tes nos producteurs.trices sont rémunérés.es grassement dans le cadre du commerce équitable.

2 Le cahier des charges et la charte signés.ées et approuvés.ées par nos producteurs.trices leur impose une nourriture saine et issue de l'agriculture biologique.

3 Origine FRANCE garantie.


Poèmes en prose (table des matières)

Sommaire général

samedi 25 décembre 2021

Fragments d'Innsmouth

 

Le premier rêve

« C'est au son du ressac que le rêve commence... »

Réveil

« La griffe de ton chat s'est plantée dans ton bras... »

Arkham

« Un rayon de soleil traverse les nuages... »

Innsmouth

« Comme une proie qui voit l'entrée de son terrier... »

vendredi 24 décembre 2021

Poésies diverses

 

Pulchrissima/ Pulcherrima

« Dix perles de rosée ornent les doux pétales... »

Lilith

« Liminaire enfoui au plus profond des rêves... »

Peur

« Vous entrez... »

DeoGratias

« J'aime dans la musique son exactitude fatale... »

Vox Populi

« Un certain jour, en un certain pays... »

Les prétendants (parodie)

« Comme un vol de corbeaux hors du charnier local... »

La promesse du satan

« Le serpent nous l'a dit quand nous étions heureux... »

Triolites

« Du bout de ton bras... »

Triolites– Heurs

« L'idée du bonheur... »

Ambition

« Quand j'ai ouvert mon sac, il était plein de pierres... »

Chansonnette

« Arrête-toi, passant... »

Ritournelle

« Pleurez vos accords, violons en émoi... »

Insomnie

« Les pétales de la douleur... »

Fugue

« Vite, vite, toujours plus vite... »

Engeôlés

« Bienvenue, voyageurs, dans la prison centrale... »

Bâton de marche

« Vois le pauvre vieux Job, assis sur son grabat... »

Lubie

« J'ai trouvé un chemin parallèle au bon sens... »

Il est temps

« L'incompréhensible va sonner à ta porte... »

La biche est allée son chemin, et moi le mien

« D'un côté de la route, on voit des uniformes... »

L'air du temps

« Les hordes modérées, leurs bouches écumantes... »

A la manière d'un feu de joie

« -Bien longue fut la nuit pour mes forces usées... »

La grande armée des zombies mécaniques

« Tu croyais être en vie? Tu es à Hollywood... »

Miroir ô mon miroir

« Aie confiance en ton corps, il ne te trompe pas... »

Critique de la méthode

Pour crucifier Jésus, il faut de la méthode... »

La communion des vains

« Un monde fou dit sa grand' messe... »

Sur les flots

« Les voyageurs errent, tels des âmes en peine... »

Sur les routes

« La boue du monde colle à tes pieds fatigués... »

Sur les quais

« Comme une fleur obscène aux couleurs chatoyantes... »

Sur les ondes

« J'ai trouvé, dans un vide-grenier, un vieux poste à galène... »

Rumeurs de guerre

« C'est un petit sentier au cœur d'une vallée... »

Boisson d'ilote

« Dans le courant du caniveau... »

Berceuse mortelle

« Dors, mon bébé, dors,... »

L'air du temps (Janvier 2023)

« Une nuée binaire a recouvert la terre... »

L'avènement du satan

« Le serpent nous l'a dit quand nous étions heureux... »

Demain, la nuit

« Dans sa tête Marianne est une jeune enfant... »

Psychoclastes

« Enfoncé comme un coin dans le creux de nos âmes... »

Choresthésie

« Imbibé de lumière, imprégné de silence,... »

Célébrants

« Certains curés sont des artistes... »

De Nocte

« Du désespoir, je crie vers toi, Seigneur ! ... »

L'aurore aux sabots de rose

« La biche de l'aurore a pointé son museau... »

Théophanies

« Gloire au lapin, Seigneur, qui porte dans son cœur... »

Prières nocturnes

« Parfois, je demande à la nuit... »

Qu'as-tu fait de toi ?

« Un lys est le précepte, et aussi la leçon... »

Le tombeau des vivants

« J'allume une chandelle et la pose sous l'ombre... »

L'air du temps (Décembre 2023)

« Un oiseau s'est baigné... »

A une Chaldéenne

« Ainsi que le faisaient les dames... »

Résurrection

« Toi qui gémis dans les débris de l'existence... »

L'air du temps (Mars 2024)

« Je vois la nuit venir... »


Contes

La Souris

Consensus

Evolution

Referendum

Sic transit gloria mundi

Art

Le fruit de l'arbre

Le changement, c'est maintenant

023 996

024 018

Une modeste proposition

Courrier des lecteurs

L'AAC

Évaluer ses valeurs pour vivre sa vie

Babel2

Mesures sociales

Les lendemains de Pâques


jeudi 23 décembre 2021

Voyages autour de mon lit

 Leçons de silence

« Dans la nuit lumineuse, une aiguë continue... »

Insomnie

« Les pétales de la douleur... »

Jeu de piste

« Pour meubler le silence, il faut faire des courses... »

Ruah

« Comme le passager d'un bateau qui prend l'eau... »

Vibration libre (2)

« Une chape de plomb est tombée sur le monde... »

Noté sur mon pense-bête

« Etre bien là, juste à sa place... »

Noté sur mon pense-bête (2)

« Ne pas être là... »

Sur les ondes

« J'ai trouvé, dans un vide-grenier, un vieux poste à galène... »

Vibration libre (3)

« Je saute à cloche-pied par dessus chaque vague... »

Sur les quais

« Comme une fleur obscène aux couleurs chatoyantes... »

Marche méditative

« Le rythme de tes pas estompe tes pensées... »

A pas comptés

« A chaque son répond un silence... »

Un sentier vers Pâques (première version)

« Tu as cru un instant que tu l'avais rêvée... »

Un sentier vers Pâques (deuxième version)

« Nul signe n'a montré qu'elle allait arriver... »

Parvulus absconditus es

« Tout comme le vieillard qu'en toi tu entends geindre... »

Épiphanie

« Regarde la lumière ! ... »



mardi 21 décembre 2021

Poèmes en prose

 

Un cri, là, dans la nuit

« Cette nuit un cri a retenti, là, tout près de moi... »

Sarregadore

« Je voudrais amenuiser chacun de tes pas jusqu'à ce qu'il dure cent ans... »

Le temps du rêve

« J'ai arraché le couvercle d'un piano à queue puis ai percé celui-là... »

Ce que disent les fleurs

« Mon aventure, si aventure il y a, a commencé par une lecture suivie d'une idée suivie d'une intuition suivie d'une pensée... »

Le puits dans la cour

« Ce matin, un puits est apparu dans la cour... »

Le bon lurron

« L'Ankou, ce gai luron, aime bien raconter des blagues... »

Profundum

« Par une nuit d'orage, je sortis sur le perron du castel qui m'avait vu naître pour crier ma juste colère au ciel... »

Ton amour

« Quand la bise souffle et que les cristaux de givre brisent les branches... »

Feu d'artifices

« Vous êtes là, assis à votre balcon, un verre d'eau à la main... »

Sur les ondes

« J'ai trouvé, dans un vide-grenier, un vieux poste à galène... »

HEL, pour radier de beauté

« C'est au cœur du ventre des femmes qu'étaient cachés les secrets de la jeunesse, de la beauté et de la santé et c'est là que nos laboratoires les ont découverts pour vous ... »

Pièces de nuit

« Il y a un trou dans le tissu de la nuit... »


Qui scribit bis legit

« Le temps a écrit sur moi ! »

Épigraphie urbaine

« Tant que tu seras sur ce chemin, tant que je serai sur ce chemin, nous resterons ensemble, main dans la main, nous confortant tandis que la nuit vient...»

Le secret des secrets

« Le secret des secrets n'a pas besoin d'être tenu secret parce qu'il est incroyable... »

Le secret des secrets (2)

« Bien las de mes travaux, perclus d'épuisement,... »

La cathédrale dont les flèches visent le bas

« Dans ce petit bois, on ne compte plus les hommes... »


lundi 20 décembre 2021

L'Avenue du Ciel - état des lieux


Adresses provisoires dans l'Avenue du Ciel :


1Le Genre humain au Golgotha

    « Voyez-Le sur Sa croix, regardez ce spectacle... »

2Fils de Caïn

    « Fils de Caïn, sois maudit pour l'éternité... »

3Fluctuat

    « imagine le monde à travers ses yeux... »

4Tube 23 (22)

    « Désir est ton berger... »

5 Hanshan n'est pas ici

« Haut, haut le point culminant... »

6 En lisant l'Ecclésiate

« Plus il y a de paroles... »


Adresses postales précises :


231,Avenue du Ciel

    « De l'aube de l'Eden jusqu'à son crépuscule... »

231bis, Avenue du Ciel

    « Tel un prince endormi menacé d'une fronde... »

231ter, Avenue du Ciel

    « Les touristes pressés parcourent tous les lieux... »

58,Avenue du Ciel

    « Comme le porc contraint par un boucher avide... »

113, Avenue du Ciel

    « Chacun est crucifié à l'ombre de ses jours... »

111,Avenue du Ciel

    « Voyez-Le sur Sa croix, regardez ce spectacle... »

24,Avenue du Ciel

    « Le monde est une festin empli de nourritures... »

24 bis, Avenue du Ciel

    « Combien de « moi » en moi, de gens qui ont dit « je »... »

24 ter, Avenue du Ciel

    « Tout ce que tu avais en naissant... »

272, Avenue du Ciel

« Prends ta croix et suis-moi... »

8,Avenue du Ciel

« Ton regard épuisé s'attarde sur tes mains... »

43,Avenue du Ciel - On ira tous au Golgotha

« Aussi vrai que la terre est ronde... »

38, Avenue du Ciel – Les Souris du Golgotha

« En un bien mauvais jour, en un certain pays... »

323, Avenue du Ciel

« Lorsque j'étais enfant, j'accompagnais ma mère... »

272 bis, Avenue du Ciel – Second dialogue de fiel et de miel

« - Ô mon Dieu, quand me tueras-tu ?... »


samedi 18 décembre 2021

Octembre - table des matières

 

Chapitre 1


Chapitre 2


Chapitre 3


Chapitre 4


Chapitre 5


Chapitre 6


Chapitre 7 et épilogue


Octembre - 7 et épilogue

 

Chapitre 7


Les errances de Luor ne durèrent que quelques décennies, ce qui n'est rien aux yeux des êtres de féerie. Changeant d'apparence au gré des situations -écureuil ici, gerfaut là ou encore truite à tel endroit mais humaine le plus souvent-, elle voyageait, ne rencontrant que bien rarement des êtres qu'elle pouvait craindre. Malheureusement, ceux-ci se trouvaient le plus souvent à la tête des communautés humaines.

Qu'ils fussent cachés sous les traits d'édiles, de questeurs, de prêtres ou de fonctionnaires, qu'ils fussent nobles ou roturiers, ils avaient tous deux traits en commun : l'avidité et la peur, rebaptisées pour l'occasion « bon sens » et « prudence ». Leurs propres pillages leur avaient appris à craindre leurs semblables et ils ne voyaient les autres qu'à la lumière de leur égoïsme.

Malheureusement pour l'espèce humaine, les vertus de leurs dirigeant habitaient aussi une part importante de la population, même si c'était à un bien moindre degré. Ainsi, le bon sens amenait tout un chacun à tenter de s'emparer du peu de biens que les autres possédaient et la prudence commandait de réduire à néant les victimes de ces vols. Les plus féroces d'entre eux étaient les parangons de vertu et les chantres du bien, la pureté de leurs intentions transformant à leurs yeux leurs pires crimes en autant d'actes de bonté.

Pour commettre le mal, ils aimaient à s'assembler en de vastes troupeaux guidés par des idées délirantes et des orateurs habiles et la moindre assemblée reprenait à son compte les règles communes en les dissimulant sous les habits d'une bonté changeante et mesquine.

A leurs yeux, le bien était, une fois que l'on était parvenu au sommet de sa propre pyramide sociale, de diminuer la pression de son pied sur la gorge de ses semblables, la moindre respiration devenant alors un don gracieux de la part du dirigeant.


Ce fut ce qu'elle décrivit à ses amis lorsqu'elle fut de retour à la caverne. Sans surprise, elle avait retrouvé Hellequin assis à l'endroit-même où elle l'avait laissé et où il attendait une décision qu'il savait inévitable. Sans surprise également, elle avait découvert que ses compagnons d'évasion s'étaient rassemblés pour l'attendre dans la salle aux échos.

Toutes ces choses furent dites très simplement car le but de Moïra n'était pas de convaincre qui que ce fût mais de les amener tous à la sagesse. Quand elle eut achevé son récit, son regard fit le tour de l'assemblée et elle conclut son discours par ces mots :

« Nous partons ce soir pour le vieux chêne qui m'a vue renaître. Tous les êtres de féerie ont entendu ma voix, compris mon choix et nous y rejoindront. De là, nous nous rendrons tous dans l'Autre Monde. Nous ne reviendrons ici qu'à la veille de la fin des temps, afin que tout soit consommé. Que feront les Sans Destin ?

Hellequin, qui avait repris l'apparence du Grand Veneur de la Chasse Sauvage et se tenait debout près d'elle, essuya d'un geste tendre de l'index les larmes qui coulaient sous les yeux de Moïra.

-Ce qu'ils voudront, Ma Dame. Quant à moi, je sollicite de ta bienveillance l'honneur et la joie de t'accompagner dans cet exode.

Un sourire scella leur accord. Comme Hellequin se détournait pour partir, Moïra l'arrêta d'un geste.

-Reste avec nous.

-Non, Ma Dame. J'ai senti sur toi ceux qui t'ont fait pleurer et je tiens à leur faire mes adieux en personne.


A l'heure du départ, Hellequin était de retour, entouré de la Chasse Sauvage qui glissait joyeusement sur l'air pour faire fête au Grand Veneur. Voyant que ses compagnons étaient prêts, il prit place au côté de Moïra et emboucha son cor, faisant résonner sa plainte déchirante avant de montrer l'ouest d'une main décharnée.

-En avant, ma Mesnie ; en avant, mes amis !

Derrière eux, la troupe des exilés s'avança pour les suivre.

A mi-parcours, Oreor se joignit à eux et Hellequin le laissa seul avec Moïra pour se diriger vers l'arrière-garde et prendre la dernière place dans leurs rangs. Quand tous les êtres de féerie eurent passé le portail vers l'Autre Monde ouvert par Moïra, il fit face à l'armée humaine qui les avait suivis. Il brisa alors ses bois de deux gestes secs et les posa sur une dalle de pierre qui se trouvait là. Tandis que des bois nouveaux poussaient sur son crâne, il se détourna et rejoignit le portail qu'il passa sans un regard vers ceux qui l'observaient. Aussitôt, le passage se referma derrière lui et des soldats prirent position autour de la dalle et surtout des bois pour en interdire l'accès à jamais. Ce fut là, en cet instant que s'assemblèrent devant la dalle les dirigeantes et les dirigeants de notre monde ainsi que des représentants choisis des fonctionnaires et des fonctionnaires. Alors, tous entonnèrent d'une seule voix l'hymne que nous chérissons tant et qui nous rappelle notre triomphe :

« Un enfant nous est mort, alléluia !

Notre enfance est décédée, alléluia !

Espérer fut son tort, alléluia !

Aussi l'avons nous tuée, alléluia ! »

Ce fut ainsi que le peuple de féerie disparut de notre monde et que toute magie le quitta avec lui.



Epilogue :


L'immense victoire remportée par nos troupes, l'incroyable courage dont elles firent preuve en se sacrifiant pour nous protéger des pouvoirs maléfiques des hordes déchaînées de féerie sont toujours célébrés chaque huitième Soldi. Qui parmi vous n'a pas été ému aux larmes par les souffrances de nos soldats et surtout de leurs chefs qui eurent raison du terrible Hellequin avant de décapiter l'atroce Moïra, la reine des démons ? Mais je laisse tout ceci aux journalistes car ils le racontent bien mieux que je ne saurais le faire.

Disons plutôt quelques mots du plus grand de nos héros, trop souvent méconnu du grand public, hélas.

Notre ami le Magus, ayant senti le vent tourner bien avant ses collègues, avait abandonné l'alchimie et la magie pour ouvrir une école de fonctionnaires. Pris de l'un de ces accès de génie dont il était coutumier, il inventa coup sur coup le tampon encreur, la TVA et le code de procédure administrative. Quand la magie eut entièrement disparu de notre univers, ses anciens camarades vinrent peupler les bancs de son école et c'est sous la houlette de leurs descendants que l'humanité avance à présent vers un avenir meilleur.

Quand au Magus lui-même, il est encore considéré comme le héros qui a fondé notre civilisation éclairée, ainsi que le savent tous les écoliers.


Octembre - 6

 

Chapitre 6

Comme elle l’avait deviné, le dragon et les sylphes ayant survécu à l’explosion décidèrent bien vite de les quitter ; en revanche, aucun des autres n’en manifesta le moindre désir. Ils sortirent pourtant afin de recueillir de quoi fabriquer des abris car quelques-uns d’entre eux, au premier rang desquels se trouvait le lutin, désiraient par-dessus tout avoir un toit à leur échelle au dessus de leur tête après tant de temps passé prisonniers entre ciel et terre. Le lutin s’allia même aux nains afin de bâtir une forge pour y couler et y travailler le métal recueilli par le gnome avec qui ils s’entendaient comme larrons en foire. Son premier ouvrage fut un splendide verrou qu’il posa fièrement sur la solide porte qu’il avait construite pour son asile de pierre. Comme prévu, il se referma sans un cliquetis quand l’heureux propriétaire des lieux repoussa l’huis avant d’exploser en un concert de jurons car il avait oublié de forger la clef. Quelle ne fut pas sa mine lorsque l’un des elfes s’avança, passa sa main au dessus du complexe mécanisme et tira la porte qui s’ouvrit immédiatement et sans le moindre effort ! Il ne s’avoua toutefois pas vaincu et demanda à ses amis nains d’enchanter le verrou afin qu’il résistât aux pouvoirs des elfes, ce à quoi ils s‘attelèrent sans tarder. Si les choses n’avaient pas évolué entre-temps, leur dernière invention avait nécessité trois passes au lieu d’une.

Tous avaient donc aménagé l’espace en fonction de leurs désirs et de leurs humeurs, s’assemblant et se séparant au gré de leurs caprices mais en s’adressant toujours à Luor en cas de litige ou pour les questions qui dépassaient leur entendement. Elle était loin d’avoir réponse à tout mais pouvait puiser dans les connaissances de chacun des esprits des habitants de la grotte, ce qui lui avait permis de résoudre tous les problèmes qui lui avaient été posés.


Il sentait parfois l’esprit de Luor se tendre vers le sien et dissimulait alors sa véritable personnalité derrière l’illusion qu’il avait créée; s’il n’était pas entièrement à l’abri de ses pouvoirs, elle ne pouvait le contraindre en rien, et ceci même au sommet de sa puissance. N’était-il pas le premier des Sans-Destin ? Fort heureusement, elle n’avait pas tenté de faire appel à lui quand il avait dû s’absenter pour mener la Grande Chasse qui n’avait lieu qu’une nuit de chaque mois lunaire. Il se sentait mal à l’aise car cette situation pouvait perdurer éternellement si rien ne venait la modifier. Il hésitait pourtant à agir car il lui paraissait peu convenable d’intervenir en bien comme en mal dans une existence qui n’était pas la sienne. Ils avaient toujours différé sur ce plan… Il attendait donc, prenant part au semblant de vie qu’avaient conçu Luor et les siens pour échapper à un monde qui finirait bien par détruire ce doux rêve comme il détruisait tous les autres. Ce groupe était si soudé et si cohérent sous son apparence hétéroclite que même lui ne s’y sentait pas seul et n’éprouvait pourtant pas le besoin de s’en évader. Il lui arrivait parfois de croire que tout cela pouvait durer mais il avait trop vécu pour céder à de telles illusions. Malgré tout, il comprenait à présent ce qu’elle avait voulu faire, ce à quoi elle avait voulu échapper en prenant cette décision qui l’avait surpris au premier abord. Quant à ses conséquences, elles l’indifféraient autant que le soir de la volte qui avait vu sa réapparition. Il participait à ce qu’elle avait créé tout en attendant patiemment ce qui ne pouvait manquer de survenir.


Le petit groupe s’assemblait régulièrement pour fêter tantôt l’un, tantôt l’autre ou plus simplement pour fêter la joie d’exister. L’expérience qu ‘ils avaient vécue avait laissé des traces indélébiles en chacun d’eux mais bien peu évoquaient ce sujet, et ceci seulement quand les souvenirs devenaient trop pesants pour l’un d’entre eux. Ils partageaient alors son fardeau puis recommençaient à vivre. S’ils vivaient séparés, certains avaient formé des sortes de groupes au gré de leurs affinités, comme les nains, le gnome et le lutin, par exemple. C’était eux qui avaient mis au point les sources de lumière qui éclairaient à présent les grottes ; c’était une lumière étrange qui avait la teinte rosée de l’aurore et qui enveloppait les habitants des lieux dans une sorte de torpeur dont rien ne semblait pouvoir les tirer et dont la douceur était comme un baume déversé sur leurs plaies. Ici, tous les sons s’estompaient et la vie semblait ralentir pour se transformer en une béatitude bien proche du non-être sauf dans le voisinage du gobelin et des farfadets dont les jeux rompaient souvent la monotonie des lieux. Luor avait d’ailleurs dû intervenir pour restaurer le calme quand les nains s’étaient réveillés d’un sommeil sans doute provoqué grâce à quelque artifice pour se retrouver liés les uns aux autres par leurs barbes méticuleusement tressées et nouées autour d’une mèche lente qui les aurait consumées sans l’intervention providentielle de l’ondin. Même le gnome avait ri en regardant ses trois amis trempés jusqu’aux os qui se débattaient en tentant de se séparer tandis que les elfes contemplaient en se gaussant le nœud prodigieusement complexe qui les reliait, expliquant aux nains atterrés qu’il allait falloir les raser de près pour les délier. Ils avaient finalement consenti à défaire l’objet du délit au grand soulagement des victimes qui, une fois séparées, s’unirent pour donner une « bonne leçon » aux farfadets, se munissant pour l’occasion de leurs marteaux de forgerons. Fort heureusement, le gnome s’interposa et le drame fut évité mais il fut décidé d’interdire aux plaisantins des activités si dangereuses sous peine de... Sous aucune peine, en fait, car le concept de punition leur était inconnu. Toutefois, les mots de la jeune fée semblaient avoir force de loi aux yeux de tous.

Il arrivait parfois à Luor de rester quelques temps repliée sur elle-même, ne s'intéressant que peu à ce qui l'entourait. On aurait cru alors que rien ne la touchait, que rien ne l'affectait, comme si elle avait dressé un mur entre elle-même, son entourage et ses émotions. D'une certaine façon, elle devenait ainsi son propre geôlier. L'épisode des nains parvint pourtant à la faire sourire, mettant fin à l'un de ces épisodes, et on la vit faire le tour des grottes comme si elle les voyait pour la première fois. Tous firent comme si de rien n'était mais chacun savoura la joie de la voir émerger vraiment de son profond sommeil. Quand ce tour fut achevé, ce qui lui prit quelques jours, elle se replia une fois de plus sur elle-même mais son silence était cette fois d'une nature différente. Elle finit par se diriger vers le lac et y nagea longuement avant de se coucher sur le dos pour contempler la voûte au dessus d'elle, caressée par un doux courant issu de l'abîme. Ce ne fut qu'alors qu'elle prit la pleine mesure de la peur qui l'habitait, de la peur qui les avait tous envahis.

Quant elle émergea des flots, elle se rendit dans la demeure des elfes et les interrogea. Elle voulait connaître l'origine de leurs pouvoirs, savoir comment eux-mêmes les utilisaient mais ils l'ignoraient. Il en fut de même pour chacun des habitants des cavernes. Tous, elle-même y-compris, jouissaient d'étranges capacités mais nul ne savait de quoi elles étaient issues ou comment ils les maîtrisaient. Il y avait une excellente raison à cela : elles leur semblaient tout à fait normales. A l'inverse, le Magus et ses semblables naissaient désarmés mais pouvaient devenir suffisamment forts pour maîtriser n'importe quel être de Féerie grâce à leur savoir. Elle comprit qu'elle ne cesserait d'avoir peur que le jour où elle aurait acquis ces connaissances qui les rendaient redoutables. Ce fut ce qu'elle expliqua à ses compagnons après les avoir tous réunis dans la grotte du lac pour leur faire part de sa décision.

Un long silence succéda à son discours. Enfin, l'un des nains prit la parole pour clamer haut et fort leur sentiment à tous:

-Rien de bon ne sortira de cela ; rien de bon ne peut venir de ces êtres. Tu parles de connaissances, mais qu'entends-tu par là ? Vas tu découper des hommes en morceaux, les torturer pour apprendre à mieux les tuer ? Est-ce cela, ce savoir si précieux que tu recherches ?

-Tous les animaux tuent pour vivre, et certains jouent avec leurs proies. Tu ne peux pas leur reprocher cela.

-La plupart le font parce que telle est leur nature, et parce qu'ils ne comprennent pas la douleur des autres ni même la leur, qu'ils vivent comme une chose normale et inévitable. Les humains n'ont pas cette excuse. D'ailleurs, même pour eux le Magus est un monstre, l'un de ceux qu'ils appellent seigneurs et qui les dirigent tant grâce à leur pouvoir de nuisance que grâce aux hordes de leurs semblables qui se réunissent autour d'eux pour recueillir les miettes de leurs pillages.

-Le Magus ne comprenait que sa propre souffrance, comme la plupart des animaux. Pour lui, nous n'étions rien.

-Si tu considères cette vermine comme un bon échantillon de sa race, que veux-tu faire avec elle ?

-Apprendre à ne plus la craindre ! Veux-tu que nous restions terrés ici à jamais, sans le moindre espoir d'être libres un jour ?

-Si pour pouvoir sortir, je dois devenir comme le Magus, alors oui, je préfère rester ici et je ne veux pas croire que tu puisses faire un autre choix.

Sur ces mots, il se leva et quitta les lieux, bientôt suivi de tous les autres membres du groupe à l'exception du lutin. Ce dernier rejoignit la fée et chercha son regard.

-Alors ?

-Je sais qui tu es. Tu peux reprendre ta vraie apparence.

-En me disant cela, tu montres justement que tu ne sais pas qui je suis. Je n'ai pas de vraie apparence : toutes sont aussi vraies les unes que les autres. Ceci dit, je réitère ma question. Alors ?

-Je dois essayer.

-Dans ce cas, je te souhaite un bon voyage.

-C'est tout ?

-Je ne vois rien d'autre à dire. Pars et reviens-nous vite, Ma Dame.

Et ce fut tout.