samedi 24 juillet 2021

Feu d'artifices

Vous êtes là, assis à votre balcon, un verre d'eau à la main. La chaise est vaguement inconfortable. Elle ne vous fait pas mal, non, mais elle semble contenir en elle les prémices de toutes les douleurs.

Il y a peut-être une ville ou une forêt sous votre balcon, mais vous ne voyez rien dans le noir absolu qui vous enveloppe. Aussi absolu que votre solitude encore amplifiée par l'espoir d'une présence.

Il devrait y avoir des bruits, des odeurs, des saveurs mais il n'y a rien d'autre que l'attente. Vous sentez votre appétit croître pour quelque chose, peu importe quoi pourvu que ce ne soit pas cette interminable attente.

Et puis voilà. Un sifflement, là-bas, au loin. Une lumière, là-bas, au loin. Puis des couleurs, là-bas, au loin. Et pour finir le son sourd d'une explosion. Et puis cela recommence, ailleurs.

Oh, la belle rouge ! Oh, la belle bleue ! Oh, la belle jaune ! Oh, la belle mauve ! Oh, la belle verte ! Oh, la belle rose ! Oh, la belle carmin ! Oh, la belle grenat ! Oh, la belle orange ! Oh, la belle dorée !

Vous regardez le feu d'artifice, environné de silhouettes que vous ne distinguiez pas auparavant et savourez les goûts, les odeurs, les couleurs, les sons, les contacts, les pensées. Ce n'est pas mal. C'est plutôt bien, même.

Vous essayez de vous stimuler : il faudrait montrer un peu plus d'enthousiasme pour plaire à vos voisins qui vous regardent sans doute mais le cœur n'y est pas alors vous devez vous forcer à crier, à rire, à pleurer.

De tous les feux d'artifice que vous avez vus, cet énième plus un n'est ni le meilleur, ni le pire. D'ailleurs, y a-t-il vraiment un meilleur ou un pire ? N'y en a-t-il pas seulement d'autres, tout simplement ?

Celui-ci s'achèvera-t-il sur un bouquet final ou s'éteindra-t-il doucement ? Vous l'ignorez mais qu'importe, après tout ? Il s'achèvera, comme les autres avant lui et les autres après lui.

Et vous serez là, sur votre balcon, à attendre le prochain feu d'artifice.


mardi 13 juillet 2021

Maxime : I.V.S.

 

    Si par malheur tu découvres qu'un grand bien est né dans ton cœur, cours jusqu'à la clinique la plus proche pour t'y faire avorter : ainsi seras-tu sage selon le monde.


 

Critique de la méthode

« Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. »

                                                                        Matthieu, 25:40



Pour crucifier Jésus, il faut de la méthode.
Le bourreau amateur ne pense qu 'à clouer,
Le nervi excité ne songe qu'à tuer,

Mais c'est l'être gentil qui trouve le bon mode :
Le nommer son Ami, faire appel à Son cœur,
Emouvoir le Sauveur en affichant sa peur,

Le sentir S'approcher sans montrer sa tension,
Etre prêt à bondir en mimant la tristesse,
Feindre la contrition en moquant sa mollesse,
Et puis crever Ses yeux émus de compassion.

Ici la cruauté prend sa vraie dimension ;
Seul le lâche charmant est apte à ces bassesses
Et c'est dans le plus doux qu'on trouve les rudesses
Qui conduisent le Christ de Passion en Passion. 

 

samedi 3 juillet 2021

Miroir ô mon miroir ...


Aie confiance en ton corps, il ne te trompe pas :
Il va vieillir, souffrir, dépérir et mourir.
Aie foi en ton esprit, il ne te leurre pas :
Il va vieillir, souffrir, dépérir et mourir.

Ne te fie pas à toi, car tu vas te mentir :
Tu vas gémir, t'enfuir, médire et trahir.
C'est l'abjecte terreur qui guide tous tes pas
Du jour de la naissance à celui du trépas.

« Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. »,
Nous disent les anciens qui n'en tenaient pas compte ;
Tout comme eux nous vivons perdus dans quelque conte
Et nous faisons l'enfant quand le temps nous dépasse.


Note : Le mot « esprit » désigne ici ce qui, en lui, est connaissable.