lundi 24 avril 2023

Le secret des secrets (1)

 

Le secret des secrets n'a pas besoin d'être tenu secret parce qu'il est incroyable. C'est heureux, d'ailleurs, parce qu'il est connu de tous, ou en tout cas de beaucoup. Du moins, beaucoup de gens l'ont connu mais ils ne s'en souviennent plus. Ils l'ont oublié parce qu'ils ne l'ont pas cru, d'une part, puisqu'il est incroyable, mais aussi parce qu'il paraît impossible, d'autre part. Quand je dis impossible, j'entends par là que personne, bien portant ou fou, ne peut croire que ce soit là une chose importante, alors chacun l'oublie. Disons donc qu'il est à la fois incroyable et immémorable et non pas impossible, même s'il le paraît aussi.

Le plus intéressant, me semble-t-il, est que nul détenteur du secret des secrets ne s'est jamais soucié de l'enseigner. La raison de ce fait est simple. Moi qui écris ces lignes, je l'ai trouvé plusieurs fois pour l'oublier aussitôt ou peu de temps après. Comme je ne suis pas prêt pour lui, il ne l'est pas pour moi. Je le cherche, je le trouve puis je l'oublie. C'est comme ça que cela se passe. Je l'ai encore trouvé cette nuit mais je sais que je vais l'oublier parce que mon esprit ne l'accepte pas. C'est sans doute cela, le but d'une vie d'oraison, de prière et de méditation : ne pas seulement dire « Mais bon sang, mais c'est bien sûr ! » quand on le trouve, mais aussi croire enfin ce que l'on a toujours su sans l'accepter.

Maintenant, vous vous dites peut-être : « Mais écris-le, bon sang ! Si tu es trop con pour l'utiliser, d'autres le comprendront et s'en serviront ! »

Si vous vous dites cela, c'est parce que vous savez pas que vous le connaissez mais qu'à vos yeux, il n'a ni importance, ni intérêt, ni usage. Il n'est secret que parce qu'il est incroyable et immémorable, pas parce qu'on ne le révèle pas. Si vous voulez seulement voir qu'il est important, il vous faut pratiquer une spiritualité. Sinon nada, niet, rien, vous vous ne vous rendez même pas compte que vous avez su et vu. J'ai souvent essayé de le dire avant de l'oublier mais ces tentatives n'ont rien donné. Il est écrit sur ce blog sous la forme de métaphore, de comparaison, d'image et sous forme directe mais même moi, je ne l'y retrouve pas, sinon durant mes moments de lucidité. Je le lis, je comprends les mots et rien ne se passe. Je l'oublie, et c'est tout.

Tu en doutes, lecteur ? Allons essayons encore et tu verras : le « moi » est une illusion qui cache le fait qu'il n'a pas de fin parce qu'il n'a pas de début. Tu le sais, je le sais. Et alors ? Alors, rien. Ni toi, ni moi ne sommes prêts. Si nous l'étions, nous ne serions pas en train d'écrire ou de lire. Je n'essaierai pas de te convaincre parce que tu connais déjà mille preuves de cela. Seulement, tout comme moi, tu les refuses.

Une dernière remarque qui m'amuse : quand je me relirai, je ne comprendrai plus le secret alors il n'aura pas de sens à mes yeux, encore une fois.

Poèmes en prose (table des matières)

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mercredi 19 avril 2023

Demain, la nuit


Dans sa tête Marianne est une jeune enfant ;
Elle court dans les champs non loin de sa maman.
Toutes deux sont venues apporter à papa
Leurs rires et leur joie ainsi qu'un bon repas.

Marjorie, quant à elle, essuie les excréments
Parsemant le fessier de la personne âgée ;
En ce jour elle veut que soit immaculée
La patiente esseulée qui chantonne en dormant.

Ses yeux brûlent un peu, mais que faire à présent
Contre la volonté de nos deux assemblées
Et puis des citoyens qui ont délibéré ?
Seulement ce que fait Marjorie en pleurant.

Des agents de l'état vont venir aujourd'hui
Pour tuer cette dame et deux de ses amis.
Dans son rêve Marianne est une jeune enfant
Blottie entre les bras de ses parents aimants.


lundi 3 avril 2023

Les souris du Golgotha


Les souris du Golgotha

Épopée des peuples muridés



En un bien mauvais jour, en un certain pays,
S'affolait sans recours une mère souris.
Son entière journée, elle l'avait passée
À se claquemurer, inquiète et agitée.
Elle cachait cela pour le bien des enfants
Et taisait son état tout en les reprenant :
« Calmez-vous donc un peu, il n'arrivera rien !
Et puis tenez-vous mieux, tous ces tracas sont vains !
Et toi c'en est assez, dit-elle à son mari,
Tu devrais essayer d’apaiser les petits.
Nous avons des ennuis et toi tu restes là !
Tes soucis, tu les fuis, cela ne m'aide pas. »
Le mari fort marri de son inaptitude
À aider son aimée tremblante d'inquiétude
S’écria « Il suffit ! » et sortit pour chercher
Hors de son doux terrier la source du danger.

Si le monde pour nous semble être dangereux,
Qu'est-il pour la souris ? Le plus odieux des lieux ?
Pourtant Monsieur Souris, s'en remettant à Dieu,
Jaillit hors de son trou tel un combattant preux,
Mais il eut le bon sens de calmer ses ardeurs,
Aiguisant sa prudence au rythme de sa peur.
Il entendit des pas, des rumeurs et des chants,
Des cris désespérés puis des gémissements,
L'affreux bruit du trépas qui succède aux tourments
Et le rire sans joie qui secoue le méchant
Puis le son du marteau qui donne la cadence
Aux lazzi des passants alimentant leurs vices
En jouissant des douleurs de l'objet du supplice
Dessous les gras corbeaux venus faire bombance.

La souris se disait : « Cela n'est pas nouveau !
Les humains sont ainsi lorsqu'ils sont en troupeaux :
Ils aiment se moquer et aussi humilier
Ou alors torturer avant de massacrer ;
Mais ils sont si joyeux, voilà qui est curieux !
Même les plus furieux me semblent presque heureux... »
Et la brave souris cheminait doucement ;
Elle avait pressenti un désastre imminent.

Ce fut vers le sommet du mont qu'elle arpentait
Qu'elle eut le sentiment qu'un destin l'attendait.
Monsieur Souris pensa à sa chère moitié
Et à ses beaux enfants qui faisaient sa fierté ;
Il puisa du courage au cœur de son amour
Puis reprit le chemin qu'il suivit sans détour :
Notre ami n'était pas de ces gens que l'on berce
Avec des songes creux que la bise disperse.

Parmi les crucifiés, il se trouvait un homme ;
Pour un peu la souris aurait même dit « l'homme ».
Il semblait n'être rien mais aussi être tout
Et plus rien n'était vain car il vous aimait vous.
Monsieur Souris savait mais ne crut pourtant pas
Que l'on pût désirer tuer cet homme-là.
Quelqu'un s'était trompé, ah oui c'était cela !
Ils s'en apercevraient, reviendraient sur leurs pas !
Mais tous les spectateurs racontaient des histoires
Et ne s'interrompaient que pour servir à boire.
Alors Monsieur Souris n'y tint plus et cria
Mais les gens n'écoutaient rien d'autre que leur voix.
Monsieur Souris pleura des larmes d'amertume
Lorsque les bons bourgeois brossèrent leurs costumes
Pour aller se vanter auprès de leurs amis
D'avoir contribué à tuer l'ennemi
De tout le genre humain qu'il voulait convertir
À ses sottes idées pour mieux le pervertir.

Tout seul Monsieur Souris s'approcha du mourant
Mais il n'en pouvait plus et courait en pleurant
Quand un sursaut d'orgueil fit éclater sa rage
Et libéra enfin son amour de sa cage !
Alors Monsieur Souris vint s'en prendre à la croix
Et de ses pauvres dents voulut ronger son bois.
Il hurla et lutta, combattit et cria
Avec tous les moyens que lui donnait son corps
Tandis que des passants riaient de ses efforts,
Pariant que la croix vaincrait le cancrelat.
Il y fendit ses dents, y blessa ses mâchoires
Mais jamais ne céda devant le désespoir
Jusqu'à ce qu'un soldat eut laissé libre cours
À sa laide pitié, à son atroce amour
Pour tuer l'animal du bout de sa sandale
Mettant le point final à l'étrange scandale.
Et ainsi, mes amis, dans ce complet mépris,
S'acheva le destin de la pauvre souris.

Quand je dis « s'acheva », il ne faut pas me croire
Car ce n'est pas ainsi que s'achève l'histoire.
Notre héros-souris a retrouvé ses dents
et s'en sert pour manger les plus doux aliments.
Il vit en compagnie de sa tendre moitié
Qui pour l'éternité partage sa fierté
D'avoir, tout aussi seul que l'était le Sauveur,
Lutté contre le mal en combattant la peur.
En commémoration de son étrange exploit
Et de sa bonne action, la souris vient parfois
Pour aider un enfant qui s'est trouvé blessé
Mais a su être grand devant l'adversité.
Aux petits courageux qui perdent une dent
En rongeant vaillamment le fil de l'existence
Et savent rester preux, elle offre en récompense
Le sceau de l'innocent : un joli sou d'argent.

H.G.
Avril 2023

L'Avenue du Ciel (table des matières)

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