dimanche 25 avril 2021

La biche est allée son chemin, et moi le mien.


D'un côté de la route, on voit des uniformes ;
Les premiers de cordée pour tous fixent la norme
En tenues de gala, queues-de-pie, hauts-de-forme,
Aussitôt imités par des foules énormes.

Mais de l'autre côté, on voit des hauts-de -forme ;
Sous eux des sommités pour tous fixent la norme
Qu'adoptent aussitôt les gens en uniformes
Qui s'avancent au pas en des foules énormes.

Au milieu du chemin vont les convalescents
Avec dans leur regard un rire adolescent ;
Chassés pour leur santé des cohortes humaines

Qui restent bien loin d'eux, craignant la guérison,
Et s'agitent sans fin pour gagner l'horizon,
Ils vont tranquillement et sans bruit se promènent.


Note : Ce poème doit beaucoup à un texte du vénérable Ajahn Chah lu dans le recueil In Simple terms traduit par Thanissaro Bikkhu, « The Lonely Path » que vous pourrez trouver sur le site Dhammatalks


dimanche 18 avril 2021

Le puits dans la cour


Ce matin, un puits est apparu dans la cour. Enfin, quand je dis un puits, cela ne décrit pas très bien la chose mais plutôt bien quand même, il me semble. Je vous en laisse juge. Par contre, j'emploie le verbe « apparaître » à dessein car il décrit très exactement le phénomène. Avant, le puits n'était pas là. Tout à coup, il fut là. Maintenant, il est encore là.

Il y a un cylindre constitué de pierres de taille habilement assemblées, deux colonnes de bois, un petit toit en planches goudronnées. Entre le cylindre et le toit ainsi qu'entre les colonnes se trouve une poulie avec un peu de corde entourée autour d'elle, et davantage de corde s'enfonçant dans le cylindre.

Le problème, voyez-vous, est que la poulie est au dessus du toit qui est lui-même à l'envers, c'est-à-dire la pointe tournée vers le bas. Le puits, lui, est au dessus de la poulie et son fût s'enfonce dans le ciel d'une manière si vertigineuse que j'ai cru un instant que c'était le sol. Je n'ose essayer d'imaginer l'endroit où doit se trouver le seau.

Après un instant d'hésitation sans doute due à la sensation de vertige susmentionnée, j'ai fait ce que ferait toute personne dans son bon sens en découvrant un tel édifice : j'ai mis la main sur la poignée de la manivelle afin de puiser de l'eau. Toutefois, la sensation de flottement ne me quittait pas, ce qui me poussa à réfléchir un peu plus avant.

Une question somme toute assez logique venait de traverser mon esprit. Avais-je vraiment soif de cette eau ? Parce qu'enfin, si je tournais la manivelle du puits, c'en était fini de nous, n'est-ce pas ? Je veux dire, de nous tous, partout, et aussi de toutes les choses à l'infini. Et cela à jamais, si vous suivez mon raisonnement.

Je crois que je vais aller regarder un peu la télé pour y chercher une chose digne d'être regardée. Si je la trouve, peut-être n'aurai-je plus soif de cette eau. Si je la trouve, peut-être pourrai-je laisser ce puits en paix. C'est tout de même une grave responsabilité que de décider de tout pour toujours.