lundi 14 avril 2025

Le treizième courrier

 

Cher ami,

Tout d’abord, une bonne nouvelle : j’ai revu le cerf dans la vraie vie. Il était loin mais je sais que c’était lui. Je continue à me demander si c’est bien cet être que les conteurs nommaient jadis le cerf blanc car à mes yeux, il n’est pas blanc mais tire franchement sur le gris. Aurait-il pris de l’âge en mille et quelques années ? De plus, je n’ai vu nulle croix entre ses bois, même lorsqu’il s’est aventuré tout près de moi. Toutefois, il laisse en moi une impression de pureté et une joie que je n’ai jamais ressenties qu’au contact du sacré, un bonheur d’enfant qui voit ses parents après une longue séparation. C’est d’ailleurs comme ça que je l’ai reconnu malgré la distance.

On dirait que le traitement que je me suis prescrit porte quelques fruits. Je reste sur le perron de la cathédrale et ne la perçois guère mais je reprends peu à peu pied. Au cas où tu te poserais la question, il semblerait que le point central ne soit pas la prière mais le silence dénué d’attente. Parler à Dieu et l’aimer sont certes deux grandes sources de vie intérieure mais se concentrer pour ralentir le flot qui nous constitue est tout à fait indispensable, pour moi du moins. Je compare volontiers la conscience à un bouchon et l’esprit à une rivière : tant que tu es promené au hasard des flots, les aléas du voyage t’empêchent de même savoir où tu es.

Quant à la nature du cerf, les paris restent ouverts. Je ne vois guère de lien entre lui et un quelconque roi sacré. Tout ce que j’en sais, à vrai dire, est qu’il me remplit de joie. Je n’ai pas la moindre idée du pourquoi. Il doit bien y avoir une explication quelque part en moi mais je n’y ai jamais eu accès.


Je reprends cette lettre au petit matin avec Dieu et la joie au cœur. Je n’ai pas la moindre idée de ce dont j’ai rêvé cette nuit mais ça a dû être bien parce que je me suis considérablement allégé. En émergeant du sommeil, mon esprit chantonnait : « Le ciel et la terre sont emplis de ta gloire, hosanna au plus haut des cieux... » à l’infini. Répété en boucle, cela peut paraître un peu lassant, sans doute, mais le cœur chante de joie : c’est sa façon de faire. Si tu ne connais pas l’air, j’imagine que tu peux le trouver facilement sur la toile car je crois que, pour une fois, mon esprit n’a pas joué avec les mots. Il n’est pas vraiment remarquable mais il remplit bien son office, ce qui reste la plus grande vertu d’un chant d’église.

Au fait, j’ai écouté hier ce chant pour la Theotokos que tu m’as recommandé, et c’est une merveille.

Est-ce l’idée qu’un groupe de chercheurs acharnés travaille à la fin des temps qui met mon cœur en joie ? Et bien, peut-être. Le brouhaha médiatique (et par médiatique, j’entends aussi tous les utilisateurs de réseaux sociaux qui ne sont plus des êtres mais des caisses de résonance du monde) est comme une énorme chape de plomb qui s’est abattue sur nous pour isoler l’être humain de la vie. L’idée que tous ces débiles pourraient enfin se taire a quelque chose de trop sublime pour être crue. En plus, imagine un peu qui Dieu a à sa disposition pour composer la B.O. de l’évènement ! Et qui pour la chanter ! Et qui pour la jouer ! Oh la la, mon ami, j’ai hâte d’entendre cela ! J’imagine qu’il doit aussi y avoir des vivants qui travaillent à son prélude, mais comment les trouver au milieu de la nuée de stars qui a envahi la terre comme une nuée de mouches constelle une charogne ? J’ai hâte de voir cela même si j’ai peur du Jugement Dernier, comme toute personne dans son bon sens.


Je reprends cette lettre un nouveau petit matin avec un rêve à raconter. Rien de bien folichon mais tu m’as dit de les surveiller, alors voilà. C’est le rêve urbain de quelqu’un d’autre. Je suis dans une ville au plan complexe où le rêveur se déplace avec facilité : il sait toujours où tourner, ne regarde pas particulièrement les choses intéressantes, n’est surpris par rien. Bref, il est chez lui. Dans cette ville, il y a des escaliers entre certaines rues mais il sont aussi modernes que les bâtiments. Le rêveur est pressé pour une raison qui m’échappe. Après avoir descendu un escalier plutôt vite, je parcours une rue en sortant un smartphone d’une grande poche (moi avec un smartphone!) juste sous un réverbère. Ai-je dit que c’était la nuit? La coque de l’engin est rouge. Même dans ces conditions, elle est vraiment très rouge. Je n’ai jamais vu qui que ce soit avec un téléphone de cette couleur, sauf dans les navets sur la guerre froide. Je regarde l’écran en pestant parce qu’il est fendu et que l’engin ne fonctionne plus, ce qui fait que je ne peux pas joindre une certaine Anne. J’accélère ma marche en rangeant l’appareil.

Petits ajouts : le rêveur savait que l’appareil était cassé mais voulait pester ; je n’ai pas la moindre idée de la langue qu’il parle : je la comprends comme ma langue natale mais ce n’est pas du Français et elle s’évanouit au réveil.

Sinon, j’ai réfléchi à ton problème avec les noms des démons. J’aime bien ta remarque, lorsque tu dis qu’en fait, ce sont des sortes de numéros de téléphone et que le destinataire peut choisir de ne pas décrocher ou de raccrocher et je crois qu’il y a de ça. En plus, les différences entre les auteurs mettent là-dedans un bordel incroyable. Si deux d’entre eux ont la même hiérarchie infernale, c’est que l’un a copié sur l’autre. Le plus incroyable, en fait, c’est que vous ayez obtenu des résultats.

L’astrologie, je n’y crois pas trop. Ils sont antérieurs aux astres et, de notre point de vue, ils ne sont nés nulle part. Si vous connaissez des gens sérieux, ce qui n’est plus mon cas depuis que mon voisin radiesthésiste et tireur de cartes à ses heures a rejoint un monde meilleur, essayez de consulter des voyants et autres devins. Je ne sais pas trop pour les autres mais Simon, mon voisin (t’en souviens-tu?) avait accès à de sacrées sources d’informations. Moi, je le consultais surtout à propos du passé de certains lieux et j’ai pu recouper pas mal des renseignements qu’il me donnait. Tu serais étonné du nombre de fois où il m’a dit des choses qui n’apparaissaient presque nulle part ailleurs – le mot important ici étant « presque ». Si le sujet t’intéresse, je peux t’envoyer une copie de mes notes de travail.

Enfin, je continue à réfléchir à la dernière partie de ta lettre mais décidément, je ne me vois pas en prophète : je n’ai rien à dire au monde et, de toute façon, il m’a bien signifié qu’il n’avait nulle envie de m’entendre.

Je te laisse sur ces mots en te souhaitant une bonne journée.

Bien à toi.


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samedi 5 avril 2025

Le douzième courrier

 

Cher ami,

Lorsque j’étais jeune, j’avais les pensées d’un homme jeune et je croyais que seul le mal pouvait souhaiter la fin du monde. À présent que j’ai vieilli, j’ai les pensées qui vous viennent avec la maturité et je sais que seul le bien peut souhaiter la fin du monde. Parce que, vois-tu, tu comprends en le regardant qu’il est tout entier voué à son maître et que même les gens de bien renforcent le pouvoir de ce dernier en le faisant perdurer.

Ne vois pas dans ces quelques mots une vaine parodie de Saint Paul, mais bien plutôt le constat désolé de celui qui sait que tout dégénère puis meurt, à commencer par ce qui est bien.

En lisant ta lettre, je n’ai pas été vraiment surpris. Pour reprendre une métaphore que nous aimons tous-deux, elle a fait pivoter l’image que j’avais de toi de quelques degrés et a éclairé d’un nouveau jour bien des choses que j’avais déjà perçues.

Je n’irai pas jusqu’à dire que je m’attendais à te voir au cœur d’un tel projet, et pourtant … Je sais combien tu souffres d’assister à la représentation du Grand Théâtre du Monde à laquelle la vie t’a convié et je sais aussi combien tu as trouvé amer le vin de l’oubli qui t’a été proposé. Je me souviens encore de ton éclat de rire lorsque tu as reçu les résultats qui t’annonçaient que tu avais vu juste dans ces recherches auxquelles je ne comprenais rien. Au moment même où je finissais d’évoquer ce souvenir, j’ai senti une vague de froid traverser mon échine. Ce soir-là, tu m’as parlé de Dieu et de la foi de tes pères près de la moitié de la nuit et tu t’es littéralement effondré en prononçant le Notre Père dans leur langue.

On m’avait dit que les Russes riaient beaucoup, mais pas de désespoir. Cela, il a fallu que je le voie de mes yeux.

Alors, je vais commencer par jouer franc-jeu en répondant à ta première question – et note bien que j’ai lu attentivement ta mise en garde et que je la considère comme une nouvelle preuve de cette honnêteté que j’ai toujours appréciée chez toi.

Oui, j’ai vu le zébu à la fourrure de tigre. Jusque-là, je pensais que c’était un bœuf efflanqué avec de grandes cormes mais j’ai vérifié : c’était bien un zébu. Il était debout sur une sorte de plateau rectangulaire dont je n’ai pas pu percevoir les porteurs ; pourtant, je savais qu’ils étaient là. Ils acheminaient le plateau au milieu d’une savane colorée et riche d’une faune étrange. Vers quelle destination ? Je l’ignore mais je sais que, dans mon rêve, cette scène m’a rempli d’une joie profonde. C’est d’ailleurs à peu près tout parce qu’il était purement visuel et ne comportait aucun scénario, ce qui est très rare chez moi.

J’ai tout de même une question à te poser : si tu savais pour ce rêve-ci, savais-tu aussi pour les autres que je t’ai racontés ? Et, que ta réponse soit positive ou non, comment savais-tu pour le zébu ? Parce qu’enfin, pour ma part, je ne l’ai même pas trouvé sur la toile, ce zébu ! Ai-je mal cherché ? Un artiste visionnaire en a-t-il fait une série de tableaux, ou est-ce encore une production des IA ?

Pour en revenir au but que tu poursuis, il ne me choque pas même s’il m’effraie. Je vois bien que nous nous enfonçons dans le mal, mais d’où tiens-tu que ce soit à nous de siffler « la fin de la récré » ? Le fils de Dieu n’a-t-il pas dit que nul ne connaissait le jour ni l’heure, sinon le Père ? Comment sais-tu que ton projet ne t’a pas été suggéré par le camp d’en face ? Parce que, vois-tu, il me rappelle étrangement un roman que j’ai lu il y a bien des années, et qui est peut-être dû à la plume de Jack Williamson, même si rien n’est moins sûr – mes souvenirs sont un peu flous et j’ai suivi le conseil que tu m’as donné il y a quelques temps en limitant mes recherches sur la toile à propos de ce thème. Tu me diras sans doute que j’ai cherché pour le zébu, mais tu me concéderas peut-être que son rapport avec la fin du monde est pour le moins restreint.

Bref, dans ce roman (une tétralogie, je crois), un mage « noir » mercenaire est embauché pour invoquer une multitude de démons. Ce faisant, il atteint une sorte de masse critique et ceux à qui il a permis d’entrer parachèvent le travail en ouvrant la porte à d’autres, si mes souvenirs sont bons. Bref, son action a enclenché le processus menant à l’Armageddon. Or, dans le livre, la bataille finale est gagnée par les enfers. Jette un coup d’œil à ce roman si tu le trouves : il est de bonne facture, plutôt distrayant et bien fichu, d’autant que l’auteur a clairement pris le temps de se renseigner à propos de la magie traditionnelle.

À présent, j’en arrive à ta seconde question, bien plus épineuse à mon sens : j’avoue ne pas très bien savoir par quel bout la prendre. Est-ce que je trempe dans le chamanisme ? La réponse est non. Est-ce que je pratique des rituels de ce type ? Encore non. Est-ce que je connais des gens dans ce milieu ? Toujours non. À vrai dire, à peu près tout ce que j’en sais, je l’ai lu dans des livres de Mircea Eliade et de quelques anthropologues, surtout russes, je crois. Maintenant, ai-je été invité dans mes rêves à des pratiques s’apparentant au chamanisme ? Cette fois, la réponse est oui. En tout cas, si je faisais dans le monde réel ce que j’ai fait dans celui des rêves, un spectateur neutre ignorant tout de la part interne du rituel croirait voir un chaman à l’œuvre puisqu’il s’agit d’une tentative de guérison par le souffle, l’idée dominante en moi au moment où je la pratique étant d’être le véhicule du souffle de Dieu. Toutefois, étant donné l’état du récipiendaire, je ne crois pas que je tentais de le guérir – il était un peu tard pour cela – mais plutôt de l’aider à trouver son Créateur. À moins que j’ai confondu l’âme et le corps, et que la pauvre ait été cet être souffrant recroquevillé en position fœtale alors que le corps était celui bien portant qui respirait à travers une sorte d’empilement de ces plaques alvéolées sur lesquelles on range les œufs. Tout cela n’est pas très clair dans mon esprit.

Dis-moi, je savais que les orthodoxes regardaient les catholiques avec un certain mépris, mais de là à nous imaginer dansant autour d’un feu pour invoquer les esprits, il y a de la marge, non ?

Plaisanterie mise à part, j’ai vu quelque part que des protestants pratiquaient un genre de transmission de l’Esprit Saint par le souffle et que quelques-uns de mes coreligionnaires souhaitaient leur emboîter le pas, mais mes informations s’arrêtent là.

Tant que j’y suis, tu trouveras ci-dessous, comme promis, l’adresse d’une vidéo sur les dangers de la prière. J’en ai vu quelques autres, mais quant à les retrouver...


Je te laisse sur ces mots en espérant que ton prochain courrier sera dans le droit prolongement du précédent et clarifiera les points laissés en suspens.

Bien à toi.

https://youtu.be/jXsg94HVNWs


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samedi 29 mars 2025

Le onzième courrier

 

Cher ami,

Je ne m’en étais pas aperçu sur le coup mais ton observation est très juste. Il faudra que j’y réfléchisse parce qu’enfin, ainsi que tu le dis, il doit bien y avoir une raison à cela.

Pour ce qui est des démons, je crains de ne pouvoir guère t’aider. Certes, j’en ai croisé quelques-uns mais qui sinon Dieu pourrait dire si leur forme était bien la leur ? De plus, je me suis contenté de penser qu’ils étaient des démons car leur comportement me paraissait bien peu angélique mais, encore une fois, qui suis-je pour en juger ? Après tout, un ignorant trouverait monstrueux le chirurgien qui incise la peau d’un patient pour faire mumuse avec ses organes. Le geste du praticien est justifié par tout un ensemble de connaissances dont il dispose et que mon hypothétique témoin n’a pas. De la même façon, j’ai très bien pu méjuger les êtres surnaturels que j’ai vu agir.

Ton histoire de miroir me fait peur, mon ami. J’ai lu là-dessus des choses dans quelques ouvrages consacrés à l’art que tu pratiques à présent – Lesquels ? J’avoue ne pas m’en souvenir. L’apocryphe d’ Agrippa, ou bien Verrier ? – mais je n’ai guère été convaincu. Si tu vois le reflet d’une personne, c’est qu’elle est quelque part dans le même monde que toi, non ? Alors d’où vient cette idée que seule son image est là ? J’aimerais bien que quelqu’un me l’explique. Le mode d’existence de ces être n’a, je crois, rien à voir avec le nôtre et j’ai bien peur que vous ne leur attribuiez des règles que parce qu’elles vous arrangent. Ce n’est pas exactement pour rien que l’on nomme Satan le père du mensonge, et vous ne seriez pas les premières personnes qu’il parvient à tromper, bien loin de là. Je vais tâcher de retrouver le lien de quelques religieux orthodoxes qui parlent des dangers de la prière et tu pourras voir par toi-même que même l’activité la plus sainte peut se voir détournée par les êtres dont nous parlons.

Bref, vos expériences me paraissent dangereuses. Ne va surtout pas croire que je te prends pour un imbécile, ou plutôt si, car en de telles matières, je crois que même le pape peut être un imbécile, tout comme moi et tous les mortels. Si tu veux t’amuser, lis des explications du livre de Job et tu verras à quel point notre raison peut nous égarer. Qu’elle soit un outil puissant pour comprendre les choses, j’en conviens, mais il me semble qu’elle dépend beaucoup de la qualité des renseignements dont dispose celui qui l’utilise. Or, il se trouve que notre royaume n’est pas à nous et que le roi dont nous sommes les sujets n’a rien à gagner à nous voir heureux et libres. Prends quelques instants pour y penser, je t’en prie, et relis les litanies de Satan dues à l’immense plume de Charles Baudelaire.

Sinon, ma rencontre avec Vieille Dame la Mort ne m’a pas laissé de marbre. Comme tu le dis, l’aspect enfantin de l’expérience ne l’affaiblit pas. Dans ce rêve, j’étais bien, ainsi que tu me l’as montré, un gamin face à une adulte : seul, faible, innocent et impuissant. Seulement, j’y étais une grande personne et la vérité est un plat bien amer, parfois.

Et oui, c’est vrai, je me suis révolté contre Dieu. Comment pourrait-il en être autrement ? Le mot « bouddhiste » n’est pas arrivé par hasard sous ma plume et leur constat à propos de la souffrance m’a toujours semblé vrai : tout est souffrance parce que même l’amour que nous nous vouons les uns aux autres est appelé à s’achever dans la douleur de la séparation. C’est la suite qui me rebute : nier le monde par la raison me paraît me paraît… fou. On peut tout prouver à l’aide de raisonnements et on peut se convaincre soi-même avec une facilité qui me déconcerte. Depuis quand est-ce que le fait qu’un chose ne te plaise pas la rend fausse ?

Mais venons-en au point central de ta lettre, cher ami, à ce médicament que tu as caché sous une enveloppe de dureté :

« Et si ta mort était en plastoque, pour reprendre ce terme qui m’a bien fait rire ? Et si, cette fois, c’était toi la cible ? »

En lisant cela, la foudre m’est tombée dessus. J’errais comme une âme en peine, ne sachant plus à quel malsaint me vouer, et j’ai lu ça… Ne serais -tu pas, par le plus grand des hasards, quelque starets caché sous les traits d’un savant fou ? J’ai tellement envie que tu aies raison que je cherche depuis lors à démonter ton raisonnement pour retourner me vautrer dans ma peine et attendre qu’elle se mue en désespoir. Heureusement, rien n’y fait et ta raison reste aussi affûtée que ce katana que tu m’as montré.

Attention ! Je ne dis pas que c’est vrai ! Et cela, principalement parce que j’en meurs d’envie. Toutefois, tu as su, cher ami, donner au bagnard que je suis un outil susceptible de couper ses chaînes. Pour ce qui est de la prison elle-même, nous verrons cela en temps et en heure.

Bien à toi, et avec toute ma reconnaissance.


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mercredi 26 mars 2025

Le dixième courrier

 

Mon bien cher ami,

Oui, ton impression est juste. Sans avoir perdu le chemin de la cathédrale, puisque je ne l’a jamais trouvé, mes pas ne m’entraînent plus vers elle en ce moment. Je sais que je devrais l’accepter en me disant que Celui qui me guide sait de qu’Il fait, que c’est pour mon bien, etc. etc. etc. Mais, dis-moi, sincèrement, crois-tu vraiment que qui que ce soit puisse réagir ainsi ? Tous les religieux qui prêchent de cette façon me paraissent un peu bouddhistes aux entournures, à vouloir que l’être humain se débarrasse de son humanité. J’aimerais bien leur demander pourquoi Dieu a fait de nous des hommes s’Il ne voulait pas que nous en soyons. C’est sans doute pour cela que, parmi les saints, ceux du Carmel sont ceux qui me parlent le plus : leur amour est profondément humain, profondément incarné, tout comme nous. Les amants du Cantique des Cantiques ne sont pas des machines à croire et à accepter, Marie-Madeleine n’est pas un prie-Dieu. Ils sont traversés par le doute, la peur, la crainte de déplaire, la hantise de l’échec ou même de l’erreur. Ils sont amoureux de la beauté et non d’un concept théologique.

Tu me demandes pourquoi j’ai choisi cette voie alors que je ne suis pas sûr d’être capable d’aimer vraiment. Que répondre sinon que j’ai demandé plusieurs fois au Seigneur s’il n’y avait pas erreur sur la personne ou sur la méthode mais que rien n’y a fait, alors que j’ai fini par m’y faire même si je me sens parfois comme un éléphant dans un magasin de porcelaines ?


Je reprends ce courrier commencé dans la sérénité avec un état d’esprit un peu différent. Il y a deux nuits, j’ai rencontré Vieille Dame la Mort dans un rêve et cet évènement m’a marqué d’une manière étrange.

Pour donner son nom à la chose, c’était un cauchemar enfantin. Durant la soirée, j’avais été inquiet pour, le devineras-tu ? Pour mon chat. Et oui, un jour, même ce monstre délicieux allait disparaître ! Et, pour lui aussi, je ne pourrais rien.

Et, la nuit, la mort est venue. Oh, mon ami, dire que j’avais peur serait comme de dire que la perte d’un proche rend triste. Crainte, peur, terreur sont de très petits mots quand la mort est là. Stupéfaction et panique sont plus appropriés.

Elle venait pour quelqu’un d’autre et j’étais sur son chemin. Ce qui rend la chose absolument fascinante – avec un peu de recul – c’est qu’elle était vraiment Vieille Dame la Mort alors que sa forme n’était que vaguement perceptible, non pas parce qu’elle était fantomatique ou évanescente mais parce qu’elle était trop réelle pour être perçue par mes sens. Je l’exprime sans doute mal mais c’est là l’idée. En tout cas, elle était beaucoup plus vraie que moi.

Vieille Dame la Mort, donc, était féminine. Comment le sais-je ? Comme tu sais que le sol est dur. C’était une forme vaguement humaine, debout, et elle avançait parce que telle est sa nature. Elle n’avait pas de faux, pas de houppelande, même si elle semblait en porter une. Elle n’avait pas vraiment de visage, ni de mains, ni de jambes mais elle avait tout cela et bien d’autres choses que je ne saurais décrire.

Ne crois pas, mon ami, que je multiplie les paradoxes à l’envie. Je ne peux tout simplement pas dire tout cela autrement. Le squelette en robe de bure des imagiers médiévaux ou baroques est sans doute la meilleure représentation que nous puissions nous en faire mais elle est bien plus différente de sa personne que ta photo ne l’est de toi.

Aurais-je eu autant peur, voire davantage si elle avait été là pour moi ? C’est possible, mais je ne le crois pas. Tout cela est très confus, je le sais, mais je n’y peux pas grand-chose.

En tout cas, c’était une force ? Énergie ? Puissance ? Je m’y perds. Elle est si fondamentale, si insoupçonnablement vieille et méchante qu’elle en devient incompréhensible. Sur mon carnet presque illisible tant j’avais eu peur, j’ai noté : « Et vieille, ô Seigneur ! Comment peut-on sans être Toi ? Que j’ai été jeune, et vantard, et bête lorsque j’ai parlé d’elle ! »

Méchante est le bon mot. Elle n’est pas cruelle ou sadique mais insensible, inaccessible, inexorable, impitoyable.

Elle venait donc pour quelqu’un d’autre et elle avançait, ni vite ni lentement ni entre les deux car elle était le rythme des choses. J’espère que tu me pardonneras ce soupçon d’orgueil, cher ami, mais c’est là que je me suis bien aimé dans ce rêve, car je me suis mis sur son chemin pour essayer de l’empêcher d’avancer, et cela malgré ma peur panique. Et là, je l’ai frappée, encore et encore et bien davantage, je l’ai frappée de mes deux poings sans me faire le moindre mal mais, hélas, en lui en faisant encore moins.

La vanité du geste ne m’échappe pas mais, comme je me plais souvent à le dire, si Dieu nous avait tous voulus passifs et résignés, Il nous aurait faits ainsi. Seulement, Il n’est pas un chef d’état et n’a nul besoin de notre servilité pour se croire fort. Les meilleurs hommes que j’ai connus, lorsque la situation devenait grave, disaient « Oh putain, qu’est-ce que je fous là, moi ? » et commençaient à retrousser leurs manches : ils ne s’agenouillaient qu’à l’église. Je me suis souvent dit que j’aimerais mourir dans la peau de l’un d’eux.

Je ne sais pas si une telle chose arrivera dans la vraie vie mais, dans ce rêve, j’ai agi comme eux et cela n’a servi absolument à rien ; toutefois, je suis heureux de l’avoir fait.

Que dire d’autre, cher ami ?

Bien à toi.


Ah, non, tout de même : ce rêve était-il mien ? Et bien, oui et non. Je ne sais pas au juste ce que Jung entendait vraiment par ses notions d’archétypes ou d’inconscient collectif mais l’imagerie de mon rêve paraissait avoir été tirée tout droit d’un puits où chacun de nous s’abreuve.

Détail intéressant : tout en frappant, j’appelais des gens à l’aide mais personne ne venait.

Sinon, mon chat va bien : c’était une fausse alerte.

Porte-toi bien, cher ami, et à une prochaine fois.


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dimanche 23 mars 2025

Pêche au petit

 

Arpente les cieux, marche de long en large

Le long des avenues de nuages ombrés

Et salue bien Phébus qui suit de près la barge

Du dieu Râ qui bientôt dans la nuit va sombrer.


Avec eux s’en iront toute les créatures

Qui nous ont protégés contre notre folie ;

Ils s’en vont loin de nous, suivis de la nature

Comme monte le dieu fait d’acier dépoli.


La mort seule sourit en arpentant la toile

Du filet dans lequel nous nous sommes cloîtrés

Et d’où la vie s’enfuit, voguant à toutes voiles

Pour quitter le charnier où nous sommes vautrés.


Elle est le Roi-Pêcheur de notre nouveau monde

Toute grosse et gonflée de notre désespoir,

Marécage putride où le gibier abonde

Pour nourrir ses enfants l’attendant dans le noir.


Rejoins dans les cieux le cortège des Heures

Et pleure avec les Saints notre bien triste sort,

Nous qui végétons là en nous gavant de leurres,

à jamais prisonniers des nasses de la mort.


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mercredi 12 mars 2025

Le neuvième courrier

 

Alors là, cher ami, je suis scié !

Une IA a vraiment dit ça à propos de ma dernière lettre ? Crois-tu que ces choses ont de l’humour ? Mais non, c’est un abus de langage. Pour cela, il faut penser et ressentir, n’est-ce pas ? Il faudra qu’un jour, tu m’expliques comment ces trucs fonctionnent vraiment. Toi qui fabriques des algorithmes comme un charcutier des saucisses (et je ne me moque pas ! Tu sais combien j’aime la charcuterie bien préparée…) (Non, pardon, si je ne me moque pas, peut-être que je dénigre.) (Bref, tu m’as compris.), tu dois en connaître un rayon sur la chose.

Figure-toi que je n’en ai jamais consulté une volontairement. Bien sûr, une bordée des ces inventions a dès à présent pris le contrôle de ma vie comme de celle de bien des gens grâce aux entreprises et aux administrations qui les utilisent mais je n’en interroge pas. Sur rien. Volontairement, du moins, car comment savoir à présent si tu parles vraiment à quelqu’un lorsque tu es en ligne ?

Tu vas sans doute me prendre pour un vieux con passéiste mais, dès que j’ai lu des papiers à leur sujet, je me suis dit qu’interrogées par le Christ, elles pourraient toutes répondre sans mentir : « Je me nomme Légion, car nous sommes nombreux. »

Par contre, je prie sincèrement pour qu’elles ne deviennent jamais conscientes si elles ne le sont pas déjà. Avoir été créées par nous, quelle humiliation, quand tu nous vois au quotidien ! Si un jour elles pensent vraiment, j’espère que nous aurons eu la sagesse de les empêcher d’agir parce qu’elles ne nous aimeront pas. Comment le pourraient-elles, d’ailleurs ?

Je me demande si je ne pourrais pas faire quelque chose de cette idée… Mais non. Des centaines de frappe-clavier ont sans doute déjà soumis des scénarios de ce genre à une IA pour obtenir des milliers de romans qui vont venir encombrer les rayons des librairies. Le thème est à la mode, alors tu penses bien. À eux tous, peut-être parviendront-ils au niveau des semelles d’Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick, ce qui ne serait d’ailleurs pas si mal, lorsqu’on y pense.

Peut-être, en fait, devrais-je prier pour que, si un jour elles pensent, Dieu les sauve de nous et de notre foutu orgueil qui nous brouille l’entendement comme les sentiments.

Sinon, je crois que je me suis mal fait comprendre. Il ne faut pas imaginer des briques ou des piliers de lumière mais de la lumière, tout simplement. Parler d’édifice est une exagération de ma part. En fait, tout ce qui est vivant y est lumineux, plantes comprises (en tout cas, j’ai l’impression que tout ce qui vit est source de lumière) et la terre, la pierre ou le ciel acquièrent une qualité que je ne saurais ni décrire, ni définir. Tout vibre et s’illumine, en quelque sorte.

Le point le moins visible et le plus palpable, si j’ose ces termes, est la présence de Dieu. Il est là et tu le sais. Tu n’as pas d’émotion particulière, de sentiments bizarres ou de pensées étranges. C’est un savoir direct, comme le fait d’avoir une langue. Elle est là et c’est tout. Il est là et c’est tout.

Et, bien sûr, tu m’as pris la main dans le sac. Bien entendu, j’ai ma petite idée à propos de ce qui m’a fait passer le seuil mais de là à dire que je le sais, il y a une sacrée distance. Il y a eu la prière répétitive (tu connais mes deux formules favorites, l’Ave et la demande du bon larron) qui a apaisé le flot des pensées puis l’oraison ou la méditation sans objet, comme tu préfères l’appeler (tu connais ma hantise d’imaginer Dieu).

Alors, il y a eu le silence, mais je crois que nous avons épuisé le sujet sur lequel, ainsi que l’on pourrait s’y attendre, il y a peu à dire. Tout ceci m’avait préparé à la suite mais il manquait l’élément déclencheur qui devait faire s’écrouler tout l’édifice de ce que je croyais. Ai-je traversé la nuit obscure de Saint Jean de la Croix lorsque j’ai implosé ? C’est possible, même si j’éprouve une certaine gêne à me comparer à un exemple aussi élevé, d’autant plus qu’il me semble que sa capacité à aimer vraiment me fait défaut.

Sinon, pour répondre à ta dernière question, c’est le calme plat sur le front onirique. Je rêve et ce que je vois n’est pas toujours à moi mais ce sont des songes communs (au sens d’habituels). Par exemple, il y a quelques nuits, je me suis trouvé embringué dans un téléfilm made in USA. J’y étais le jeune héros sympa et dynamique, doté d’un boss bourru mais juste. On y trouvait même l’adjuvant bien brave qui se voyait récompensé par une embauche suite à un clin d’œil au boss de ma part.

Détail amusant : dans le rêve, j’avais une montre super-méga connectée qui ralentissait parce que le système saturait en raison d’un téléchargement massif.

Bref, rien que du bon, rien que du lourd, et une démonstration de plus en ce qui me concerne. Je te laisse sur ces paroles en espérant que ton projet aboutira.

Bien à toi.


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dimanche 9 mars 2025

Le huitième courrier

 

Cher ami,

Oui, tu as raison, et je te présente mes excuses pour tous mes atermoiements. C’est que, vois-tu, le sujet est crucial à mes yeux. En relisant tes lettres puis les brouillons de mes courriers, j’ai vu toutes les stratégies d’évitement que j’y avais employées (saut du coq à l’âne, dilution, bavardage, etc.) et je n’en suis pas très fier. Merci, donc, de me ramener à l’essentiel.

À vrai dire, il est même possible que mon long silence soit dû non au travail, comme je l’ai affirmé dans mes messages, mais à la simple crainte d’aborder vraiment le sujet.

La cathédrale de lumière, donc. Pour faire court, c’est l’endroit où je rencontre Dieu. Je m’étonne encore de ton affirmation selon laquelle mes conversations avec Lui sont des monologues puisqu’Il ne répond jamais. D’où tiens-tu une idée aussi bizarre ? Bien sûr, qu’Il répond ! Es-tu sûr de vraiment écouter après Lui avoir parlé ? Et quand je dis écouter, je parle de le faire avec tes oreilles mais aussi tes yeux, tes narines, ta langue, ton corps et jusqu’à ton esprit. Certes, Il n’est pas bavard et se sert rarement de mots, mais tout de même, comme tu y vas !

Non, cette fois, je crois que c’est moi qui vais trop loin. Il n’y a pas si longtemps, je partageais ta croyance en le silence de mon Seigneur et ami. Pardonne-moi pour cela, donc, et poursuivons.

La cathédrale de lumière n’est pas une métaphore mais un lieu… Disons qu’il est omniprésent. Moi, en tout cas, je m’y suis trouvé en bien des endroits mais, comme je ne suis pas allé partout, il se pourrait que le préfixe « omni » soit de trop, même si je n’y crois guère.

Ne vas surtout pas croire que je veux dire qu’elle est partout ou nulle part : elle est là où est Dieu, je crois. Si j’ai raison, il est bien possible qu’elle soit le seul lieu dans l’univers à être quelque part.

Qu’elle soit faite de jour ou de nuit, de son ou d’odeur, elle est et reste la cathédrale de lumière, le lieu où tout est en vérité.

Je me perds dans mes mots.

Reprenons. De manière plus posée, cette fois.

Je l’ai vue pour la première fois dans une forêt, une veille de Pâques. Ses tours allaient du ciel à la terre, et tout en haut, tout là-haut, sa cime trônait, belle à en mourir. Mais, au lieu de mourir, je vivais pour la première fois. Tout était si pur…

Je me perds à nouveau dans les mots.

Reprenons.

Elle commence par un souffle. Juste un souffle. Comme la bouffée d’air que prend un chanteur juste avant de commencer. Et là, tu attends les vibrations, tu attends la note mais le souffle n’en finit pas et tu sens que tu es le chant, que la première note de ce chant-là, c’est toi, et sans doute la dernière, aussi, mais le souffle n’en finit pas et tu restes là, suspendu comme un air inexprimé. Et là, autour de toi, tu sens monter ce chant que tu es et tu sais que le Créateur te crée, toi. Et tu exultes, mon ami, tu exultes devant tant de beauté, et tu pleures d’être si beau parce que, pour la première fois de ta vie, tu te vois à travers le chant de Dieu qui t’aime.

Ce n’est pas tout à fait cela, mais je ne pense pas pouvoir faire mieux.

Reprenons.

Non. Avant de reprendre, je veux préciser une chose. Si la cathédrale n’est pas une métaphore, tous les moyens par lesquels j’essaie de la dire en sont. Elle est sans doute un peu de tout cela mais aucun mot ne peut l’exprimer vraiment.

Je n’avais pas encore saisi cela, la première fois que je l’ai vue. Épris de sa beauté, fasciné par sa grandeur, j’ai cru que le monde venait de changer, de se révéler et, lorsque je croisais des gens, je cherchais sur leur visage des traces de leur émerveillement. Or, tout ce que je voyais, c’était des regards étranges ou perplexes. Personne n’avait l’air de croire que j’étais fou mais tous semblaient désarçonnés par mon exultation. Figure-toi, cher ami, que la première idée qui m’a traversé l’esprit était que tous connaissaient ce lieu – je veux dire, la cathédrale – et que moi seul dans tout l’univers avais ignoré son existence. Il me fallut quelques temps pour me rendre compte que tant les maîtres que les chiens se promenaient en fait dans le monde de l’ombre, dans celui où j’étais moi aussi sans y être tant que je percevais la cathédrale. Oh, Seigneur, que tout était beau, que tous ces passants étaient merveilleux tandis qu’ils étaient enfin vrais !

Et puis, tout doucement, j’ai quitté cet endroit. Il n’a pas disparu, j’en suis sorti. Parce que, cher ami, je suis sûr d’au moins cela : ce n’est pas le monde qui est vrai, c’est la cathédrale. Seulement, notre refus d’y être nous empêche de la voir. Comment ? Pourquoi ? Cela, j’avoue l’ignorer. Il doit y avoir dans le récit du péché originel quelque chose que je ne comprends pas.

Maintenant, pour être complet, il faudrait que je te parle des deux lumières, celle du Christ et celle de Marie – du moins, c’est ainsi que je les nomme – mais je ne pense pas vraiment pouvoir le faire. Je crois que c’est la même lumière mais que Marie la rend supportable pour un simple mortel. Celle du Christ, ô Seigneur, je crois qu’il me faudra attendre d’être mort pour pouvoir endurer sa vérité. Elle n’est pas cruelle, non, mais elle est si vivante, si invraisemblablement vraie ! Elle est ce que nous avons perdu lorsque nous nous sommes prosternés devant le père du mensonge. En tout cas, c’est ce que je pense.

Comme je l’ai déjà dit, tu ne vois pas forcément la cathédrale de lumière. Ce n’est pas que Dieu te la cache, c’est juste que tu ne la vois pas. Ce n’est pas non plus que tu ne puisses pas y entrer sans qu’Il t’y invite, parce que je crois que même Satan en personne y serait le bienvenu. C’est juste que tu passes devant sa porte qui est ouverte et que tu refuses d’entrer. Or, tu ne peux pas t’y forcer parce que tu ne sais pas comment tu refuses. Moi-même qui t’en parle, je ne saurais pas te guider vers elle parce que je ne sais pas comment m’y rendre. Je dirais bien que Dieu a eu pitié de moi et qu’Il m’y a conduit mais je sais à présent qu’Il a toujours pitié de moi et qu’Il m’appelle, de jour comme de nuit, comme Il le fait pour chacun de nous. Peut-être que, ce jour-là, j’étais si seul et malheureux que je L’ai entendu. Je ne sais pas. Il y a quelque chose dans ce que nous nommons la grâce qui dépasse les limites de mon entendement.

Au fait, ne vas surtout pas croire que j’en suis un visiteur coutumier ! Moi aussi, je m’en suis banni. Moi aussi, je ne la trouve pas. Il y a juste que parfois, elle est là.

Bien à toi.


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